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Quelle école nous prépare-t-on pour demain ?

Quelle école nous prépare-t-on pour demain ?. Évaluations CE1 et CM2. Carte scolaire. Agence nationale de remplacement. Nouvelle évaluation des enseignants. Stages. La multiplicité des « nouveautés » donne une impression de désordre et offre peu de lisibilité…. EPEP. RASED.

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Quelle école nous prépare-t-on pour demain ?

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  1. Quelle école nous prépare-t-on pour demain?

  2. Évaluations CE1 et CM2 Carte scolaire Agence nationale de remplacement Nouvelle évaluation des enseignants Stages La multiplicité des « nouveautés » donne une impression de désordre et offre peu de lisibilité… EPEP RASED Service Minimum d’Accueil Suppression de postes Formation initiale Aide personnalisée Maternelle Il s’agit d’une stratégie de communication choisie. Plutôt que d’annoncer clairement les transformations souhaitées, le pouvoir en place modifie plusieurs paramètres du système scolaire… Des modifications qui, au final, le transformeront en profondeur… Tentons de mettre un peu d’ordre…

  3. Désengagement de l’état Suppression de postes Maternelle Aide personnalisée Formation initiale 26h24h Suppression des RASED Progressivement remplacée par des jardins d’éveil payants Suppression de la rémunération de l’année de formation initiale post-concours Rentrée 2009 • 13 500 postes +20 000 élèves Soit près d’une année scolaire supprimée sur toute une scolarité Externalisation, médicalisation de la prise en charge de la difficulté scolaire Ce désengagement s’opère au « bénéfice » : - des collectivités territoriales sans que les transferts de moyens soient assurés - du secteur privé qui n’attend que cela pour réaliser des profits. Ce désengagement est contraire à la notion même de service public qui veut que l’État soit le garant de la qualité du service sur tout le territoire et pour tous les citoyens. Si ce n’est plus l’état qui organise, régule le système éducatif, alors, qui ?

  4. Mise en concurrence des établissements Évaluations CE1 et CM2 Suppression progressive de la carte scolaire Transformation des écoles en EPEP (Établissement Public d’Enseignement Primaire) Publication des résultats Les établissements disposent de l’autonomie nécessaire pour proposer une offre alléchante et originale. Les parents choisissent librement l’école de leur enfant. Les parents avertis peuvent choisir une école « performante ». La formation des élèves est ainsi assimilée à une marchandise, les parents à des clients et l’école à une entreprise. On applique à l’école les règles simplistes du secteur privé marchand : on éduque, on forme des élèves comme on fabrique, on vend des chaussures ou des yaourts… Comme si on pouvait faire entrer toute la complexité d’un enfant dans une grille d’évaluation. Le marché, jeu de l’offre et de la demande, se substitue à l’état pour réguler les ouvertures et fermetures d’écoles : c’est la fin du service public d’éducation… service public qui redistribue un peu d’égalité dans une société de plus en plus duale… Pourtant les dérives de ce système sont bien connues des pays qui le pratiquent…

  5. Mise en concurrence des établissements Les dérives Clientélisme Bachotage Sélection Écoles à deux vitesses On ne travaille plus pour l’épanouissement, le développement de l’élève mais pour sa réussite aux évaluations et la satisfaction de ses parents. Les disciplines non évaluées sont délaissées (disciplines artistiques, sportives…). Les élèves susceptibles de faire baisser les statistiques sont écartés. Les financements publics récompensent les établissements qui « réussissent » : On donne toujours plus aux plus favorisés. On espère compenser la diminution constante et programmée des moyens par la mise en concurrence des établissements… … mais aussi par une pression de plus en plus forte sur les enseignants…

  6. Application des techniques de management du secteur privé… Diviser pour mieux régner… On utilise la peur, celle qui empêche la participation de beaucoup de salariés du secteur privé aux mouvements sociaux… Inspection d’école + inspection individuelle + entretien individuel d’évaluation Primes suivant le poste occupé (400€ pour les évaluations CE1 ou CM2), suivant les heures supplémentaires (stages) ou suivant les performances Introduction d’un nouvel échelon hiérarchique : le directeur de l’EPEP Appel d’offre pour repérer les leaders d’opinion, les lanceurs d’alerte… Application d’une politique répressive dure déjà mise en œuvre à l’encontre des « désobéisseurs » Nouvelle évaluation Nouvelles rémunérations EPEP Surveillance Répression Mise au pas des enseignants Service Minimum d’Accueil Agence nationale de remplacement Formation initiale Baisse du pouvoir d’achat Étranglement financier des associations éducatives Création d’un « corps » de non titulaires sous-payés malléables et corvéables à merci d’au moins 9% sur les 25 dernières années BAC+5 pour modifier la catégorie sociale dont seront issus les enseignants Pour réduire l’impact des mouvements sociaux Celles qui soutiennent l’école publique et ses valeurs Précarisation du métier d’enseignant

  7. Désengagement de l’état Mise en concurrence des établissements Mise au pas des enseignants Le libéralisme s’invite à l’école… Le même libéralisme qui, appliqué aux marchés financiers, nous a plongés dans la crise catastrophique que nous connaissons aujourd’hui. Le même libéralisme qui, en France et partout dans le monde depuis 30 ans, détruit les services publics, « fabrique » de la pauvreté et de l’exclusion. Le libéralisme qui veut aujourd’hui nous faire troquer nos valeurs républicaines d’égalité, de solidarité, de fraternité contre de nouvelles valeurs : individualisme, appât du gain, compétition, loi du plus fort. Les mêmes causes produiront les mêmes effets à l’école. ENSEMBLE, OSONS DIRE NON. Fin du diaporama original

  8. ◊ Mais d'où proviennent toutes ces mesures ? Etquelle cohérence les organise ? Surtout, quels en sont les buts ? > ces mesures résultent toutes de la mise en conformité du système français d'éducation aux règles édictées conjointement par l'U.E. et l'OCDE pour satisfaire les exigences du "marché". Cette démarche remonte à la conception même de l'espace européen. Elle s'est dessinée puis affirmée et affinée au cours des textes et actes relatifs à l'élaboration du "marché commun", d'abord européen puis mondialisé, tels que le Traité de Lisbonne et le 'Processus de Bologne'. > Vous avez des doutes ? Moi aussi, même si j'imaginais qu'une telle démarche, suivie par tous nos derniers gouvernements (droite et gauche confondues) devait bien reposer sur une 'logique'

  9. > ce travail de lecture, analyse des divers textes qui jalonnent cette élaboration, des chercheurs l'ont fait. Entre autres, Isabelle Bruno, Pierre Clément et Christian Laval. Ils nous proposent leurs analyse et conclusions dans un petit bouquin de 130 pages que tout individu préoccupé par cette évolution se doit de lire : "La grande mutation" (Editions Syllepse, 2010 ; 7€ ; ) > Je ne prétends pas résumer leur travail, simplement en extraire quelques éléments qui s'imposent de plus en plus dans le jargon politique et en résumer une définition. Par exemple, quel sens donner à la notion de "compétence" ? "Socle commun" ? "LLL" (# life long learning ou apprentissage tout le long de la vie) ? Et d'autres, encore assez peu lisibles : "employabilité", "benchmarking" ?

  10. > D'abord, comme Attac l'avait en son temps fait remarquer, la notion de 'droit au travail' a été remplacée dans le traité de Lisbonne par celle bien plus équivoque de 'droit à l'emploi', qui implique que l'emploi est un marché dont l'accès est subordonné à la notion d'employabilité ou situation d'adéquation compétitive d'un individu par rapport à une demande précise, définie par un ensemble de 'compétences', acquises, reconnues et entretenues tout au long de la vie... > et là, tout se met en place. Y compris le rôle de l'école, qui n'est plus d'assurer à chacun un accès à la culture, à l'autonomie par le savoir et le développement des outils qui en permettent l'acquisition, le développement, l'entretien. Non, l'école devient le pourvoyeur en temps réel d'individus 'employables' donc disposant des compétences définies par le 'marché' et jetables dès lors que la demande diminue ou que leurs compétences deviennent caduques, à moins que... (LLL) !!!

  11. > Ci-dessous le tout début de la plaquette : "Toute l'histoire européenne, dans ses moments les plus glorieux comme dans ses heures les plus sombres, invite à redéfinir une ambitieuse politique éducative destinée à édifier une citoyenneté européenne, démocratique, sociale et laïque, qui manque encore. Cette politique, au plein sens du terme, est inséparable d'une ambition européenne visant à constituer une nouvelle réalité qui manque elle aussi: un peuple européen conscient de ses responsabilités mondiales, solidaire du destin commun de l'humanité. Ce qui prétend aujourd'hui au titre de politique européenne en matière d'enseignement nous paraît aux antipodes d'un tel projet éducatif démocratique. Pour le dire le plus directement possible, nous avons affaire à une politique qui a pour effet de liquider les bases humanistes de l'éducation européenne." (p .9)

  12. "L’Union Européenne (UE) est en train de construire un discours et de mettre en place des dispositifs qui s'imposent à tous ses membres et voudraient couvrir toutes les dimensions de la vie individuelle et collective. Ce discours et ces dispositifs relèvent d'une rationalité économique dont le principe est la concurrence et dont le modèle est l'entreprise. Il s'agit de remplacer l'État social et éducateur tel qu'il s'est construit au 20e siècle par l'État "actif" dont la norme d'intervention est celle de la compétition généralisée entre les individus, les entreprises, les pays. Ce néolibéralisme européen, en s'attaquant aux édifices institutionnels et aux solidarités sociales des pays membres, est un péril pour la démocratie. Lorsqu'il étend transformer l'éducation des jeunes, il constitue une menace très sérieuse pour le lien social, et tout particulièrement pour le lien intergénérationnel. Ce livre ne vise pas tant à démontrer ce qu'aurait d'illégitime une intervention des institutions européennes dans le domaine encore officiellement national de l'éducation des citoyens, qu'à mettre au jour la nature de cette intervention, ses principes, ses méthodes, ses objectifs, ainsi que les résistances et les contradictions auxquelles elle se heurte.." (pp. 9-10)

  13. "[...] Tout est là : quelle relation voulons-nous entre les peuples d'Europe, quel lien voulons-nous qui nous attachent les uns aux autres ? La guerre économique des entreprises et des individus sur le grand marché ou la coopération, l'entraide, la solidarité, qui feraient de la culture et de l'éducation l'un des principaux vecteurs de l'Europe Une ? Est-ce donc cette Europe des savoirs et de la culture qui s'édifie aujourd'hui ? N'en voit-on pas les prémices avec les programmes Erasmus, Leonardo, Socrates, Lingua, qui facilitent les échanges entre étudiants. [...] Peut-être. Mais se limiter à ces images heureuses d'un espace universitaire ouvert et libre serait s'aveugler sur une grande partie de la réalité présente et se tromper sur la nature du processus en cours. La politique éducative européenne actuelle n'est pas un retour à l'humanisme des fondements, lequel reviendrait, en quelque sorte, réclamer ses droits historiques après la grande parenthèse de la construction des États-nations. Elle renvoie plutôt à un nouveau modèle de référence, celui de l'école néolibérale ou de la nouvelle école capitaliste. Ce modèle n'est pas strictement européen, il est mondial, porté par les grandes organisations économiques et financières internationales, relayé par les États nationaux."

  14. "Si l'Europe innove peu en la matière, elle agit, et elle constitue surtout un levier puissant qu'utilisent des gouvernements nationaux en mal de légitimité pour imposer des solutions que les peuples refusent ou pourraient refuser s'ils les connaissaient mieux. Le point fondamental tient à ce que l'Europe se construit selon une norme suprême, qui n'est pas toujours clairement énoncée: la logique de marché étendue à tous les domaines. C'est à l'aune de cette norme que toutes les autres politiques prennent sens. C'est encore à partir d'elle que l'on peut comprendre le caractère bien peu démocratique de la "gouvernance européenne". La construction européenne vise à organiser un ordre social nouveau régi par le principe de la concurrence. Son postulat est double. Dans un monde organisé par la concurrence, il faut être compétitif. Pour être compétitif, il faut vivre dans un environnement concurrentiel et y être préparé. L'éducation est enjointe de contribuer à cette transformation des sociétés et des hommes qui les habitent afin de les rendre aptes et conformes à l'ordre concurrentiel." [pp 10-12]

  15. "[…] La politique éducative a pour fonction de former le nouvel homme européen adapté au projet de l'Union et considéré comme un "avantage comparatif" dans la compétition mondiale. Un homme compétitif, c'est d'abord un homme qui vit dans la concurrence et qui s'est doté des compétences pour l'affronter. Compétitivité, concurrence, compétence: voilà le triangle dans lequel il conviendra désormais de penser l'homme européen réduit à devenir une ressource économique, un matériel productif, un "capital humain". L'actuel projet éducatif de l'UE veut faire du système éducatif un instrument au service de la compétitivité, il a pour principe l'instrumentalisation de l'homme au service de l'économie. Ce qui a pour conséquence de miner l'ensemble de l'édifice institutionnel qui a permis, non sans des luttes séculaires acharnées contre les pouvoirs établis, de constituer un espace autonome favorable au développement de la pensée libre .." [p. 13]

  16. "[…] Désormais, dit-on, la connaissance constitue une dimension clé de la stratégie économique, elle en est même l'axe majeur. C'est ce que l'on a baptisé "l'économie de la connaissance" dont l'Europe se veut, depuis le Conseil européen de Lisbonne en l'an 2000, le leader mondial.." [p 15] "[…] Au début des années 1990, la Commission publie une série de "mémorandums" qui insistent sur la nécessité de l'élévation des qualifications pour accroître le dynamisme du grand marché intérieur, qui prônent l'accès plus large à l'enseignement supérieur, qui vantent l'importance des réseaux d'enseignement à distance, qui insistent sur la mobilité et la flexibilité de la main-d’œuvre. C'est là toute la philosophie du Livre blanc de Jacques Delors publié en 1993, Croissance, compétitivité et emploi. Les défis et les pistes pour entrer dans le XXIe siècle; bientôt suivi en 1995 du Livre blanc Enseigner et apprendre. Vers la société cognitive. C'est alors que se forme dans le discours institutionnel le maillage solide de concepts comme ceux de "société cognitive" et d' "économie de la connaissance", de notions comme celle de "capital humain" ou de "compétence", ou encore de problématique plus ancienne comme celle de l' "apprentissage tout au long de la vie" (LLL ou 'life long learning'). Ce véritable système conceptuel va guider l'action communautaire dans un cadre cohérent. Tout est alors en place, sur le plan discursif du moins, pour fonder une politique éducative proprement européenne dont l'objectif principal sera de fournir à l'échelle du marché unique les "ressources humaines" adaptées à la "nouvelle économie de la connais-sance".." [p 25-26]

  17. "[…] Il s'agit (donc) pour l'Union de construire la "société cognitive" ou l' "économie de la connaissance". Le Livre blanc de la Commission de 1995 […] définissait ainsi l'objectif à atteindre : "la société du futur sera une société qui saura investir dans l'intelligence, où l'on enseigne et où l'on apprend, où chaque individu pourra construire sa propre qualification, en d'autres termes, une société cognitive". Ce document rédigé en commun par les services communautaires de l'éducation et de l'emploi va servir de base théorique à la stratégie de Lisbonne, (qui) donnera la formule clé de cette rationalité générale: il s'agit de faire de l'Europe "l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde", ce qui passe par la constitution d'un "espace européen de l'éducation et de la formation tout au long de la vie". Trois dimensions majeures et complémentaires définissent le nouveau paradigme européen de la connaissance. Sur le plan conceptuel, nous avons affaire à une instrumentalisation radicale du savoir, selon une version ultra-utilitariste assez inédite dans l'histoire des idées.." [pp 33-34]

  18. "Sur le plan institutionnel, nous aurions affaire si ce modèle de référence devait venir à se réaliser complètement à une subordination totale des établissements scolaires, universitaires et des centres de recherche, qui devraient tous être régis par le principe économique général de la concurrence et ordonnés aux impératifs de compétitivité. Sur le plan de l'organisation interne et de la régulation des systèmes scolaires, sont mis en place des outils spécifiques qui relèvent de ce que Michel Foucault a caractérisé comme la gouvernementalité proprement néolibérale, et qui visent à organiser un "environnement" et des systèmes d'incitation susceptibles d'engendrer des comportements et des subjectivités orientés vers la concurrence, la performance, le gain personnel. La stratégie mise en œuvre par les réformes successives consiste désormais à favoriser l'accumulation d'un 'capital humain individuel tout au long de la vie' afin que la hausse des compétences qui en découlera engendre une augmentation de la croissance potentielle européenne et une plus grande compétitivité mondiale. Conformément à l'individualisme concurrentiel qui sous-tend cette stratégie, l'investissement de chacun dans sa propre éducation, considérée comme une accumulation de biens personnels, privatifs et rentables, conduit, comme par une "main invisible" à l'augmentation de la compétitivité économique nationale et européenne.." [p. 34]

  19. "L'éducation est ainsi devenue synonyme de formation du "capital humain" indispensable à l'économie compétitive. Cette conception de l'éducation est solidaire d'une théorie de la connaissance. "L'économie de la connaissance" implique une redéfinition strictement économique de la connaissance. Celle-ci est projetée dans le discours européen sous la forme d'un triangle, dont les sommets sont la recherche, l'enseignement et l'innovation.." [pp 10-12] "[…] L'investissement dans l'éducation et la formation est un facteur déterminant en matière de compétitivité, de croissance durable et d'emploi dans l'Union et constitue de ce fait un préalable pour atteindre les objectifs économiques, sociaux et environnementaux que l'UE s'est fixés à Lisbonne. De même, il est essentiel de renforcer les synergies et la complémentarité entre l'éducation et d'autres domaines d'action tels que l'emploi, la recherche et l'innovation et la politique macroéconomique." Mais mieux encore, ou de façon plus crue, l'association de grands patrons européens a formulé ainsi la manière dont il fallait regarder désormais l'éducation: "L'éducation doit être considérée comme un service rendu au monde économique." [pp 35-36]

  20. "Le concept d'"apprentissage tout au long de la vie" (Life long learning, LLL), développé par l'OCDE, est au centre du paradigme économique de la connaissance. II implique, selon certains de ses promoteurs, la nécessité d'une refonte du système d'enseignement: ce dernier ne doit plus être regardé comme une institution formelle dont l'action ne concernerait qu'une classe d'âge. Les "travailleurs cognitifs" doivent apprendre tout au long de leur existence pour répondre aux constants changements technologiques et entretenir leur "employabilité", ce qui suppose d'organiser des parcours d'apprentissage continu et des dispositifs d'"activation de l'emploi" afin qu'ils soient incités à recycler en permanence leurs compétences." "Plus encore, l'apprentissage doit se confondre le plus possible avec le travail, lequel devient "apprenant". Si, avec le thème de la formation tout au long de la vie, on pouvait croire à un retour des grands idéaux de l'otium antique, on a en réalité affaire à l'exact opposé. L'apprentissage est une dimension du travail, comme le travail est une dimension de la formation, ce qu'atteste la prédominance de catégories hybrides comme celles de compétences qui appartiennent autant au champ éducatif qu'au champ de la production. " [pp 36-37]

  21. "[…] Ce processus continu de formation-évaluation ne se confond pas avec la définition institutionnelle de l'enseignement et de la formation profession-nelle. La formation doit se faire au travers de multiples apprentissages, dans les situations les plus variées. Les institutions "formelles" qui dispensent traditionnellement cette éducation ne sont que des "partenaires" possibles et parmi d'autres de la formation du "capital humain". Les "formes d'apprentissage à vie" doivent se succéder ou s'enchevêtrer de façon à la fois souple et complexe dans une "structure de l'offre de formation" diversifiée. Cette combinaison passe par "l'ouverture de l'école" aux entreprises." "Le Mémorandum européen sur l'éducation et la formation tout au long de la vie (octobre 2000) a développé la notion de "lifewide learning", c'est-à-dire d'"apprentissage embrassant tous les aspects de la vie". Il définissait plusieurs modes d'acquisition des savoirs possibles: l'éducation formelle (l'école), l'éducation non formelle (l'expérience professionnelle) et l'éducation informelle (l'expérience sociale)." [p. 38]

  22. "On voit par là que cette dé-spécialisation peut aller de pair avec une mise en marché d'une grande partie de l'appareil de formation pour mieux répondre à une demande diversifiée et variable. Le secteur formel de la formation initiale doit doter le jeune d'un "paquet de compétences de base" ou d'un "socle de compétences clés", selon les expressions employées par la Commission européenne, qui ne prend sens que par rapport au processus continu d'apprentissage à vie. Il ne s'agit pas seulement de définir un niveau minimal d'employabilité, il s'agit également de donner aux jeunes la capacité d'"apprendre à apprendre" dans les contextes productifs et les situations sociales variables dans lesquels il se trouvera. L'apprentissage à vie suppose la mise en place de dispositifs nouveaux comme le "livret individuel des compétences", en complément voire à la place des diplômes, jugés trop rigides et trop dépendants des institutions formelles. " "Le livret ou portefeuille de compétences, ouvert à la naissance de l'enfant, pourra suivre "l'apprenant" tout au long de sa vie et enregistrer de façon à les objectiver les compétences de base négociables sur le marché (marketable skills), mesurant ainsi son adaptabilité à ses besoins et définissant avec précision sa valeur productive aux yeux de l'employeur. " [pp. 38-39]

  23. "L'employabilité comme entreprise de soi-même. Le nouveau paradigme éducatif participe d'une conception de la formation de la main-d’œuvre qui répond à trois exigences: la remise dans le circuit de l'emploi des travailleurs inadaptés, la flexibilité de l'emploi, la mobilité intra-européenne des travailleurs... L'employabilité renvoie bien sûr à la capacité pour le salarié de vendre sa force de travail. Mais elle comporte une signification spécifique. C'est à chacun d'assumer individuellement la mise à jour de cette capacité, c'est à chacun d'en supporter les coûts, d'en porter la responsabilité. Elle est inséparable de la notion de marché." [p 39] "[…] Comme le montre Alain Supiot en décomposant le mot, "l'employabilité consiste, au sens étymologique, à plier les hommes dans les besoins des marchés". Et c'est bien d'ailleurs ce qu'indique la définition qu'en donne la Commission: "Une personne est employable quand elle possède les caractéristiques, qualifications, ou compétences négociables sur le marché (marketable skills), qui sont considérées sur le marché du travail comme des conditions nécessaires à l'embauche."" [p 39]

  24. "L'employabilité et l'apprentissage à vie sont des notions complémentaires, qui concordent très bien avec les caractéristiques du nouveau capitalisme. Celui-ci suppose que les individus se prennent en main pour se former en permanence sous l'incitation du marché de l'emploi flexibilisé. Là encore, c'est même par une sorte de "main invisible" d'un genre nouveau que s'harmoniseront les intérêts privés et l'intérêt général: "Pour l'individu, apprendre tout au long de sa vie, c'est développer sa créativité, son esprit d'initiative, et sa capacité d'adaptation - qualités qui contribuent à l'épanouis-sement personnel, à l'accroissement des gains et à l'emploi, ainsi qu'à l'innovation et à la productivité. Les qualifications et les compétences de la main-d’œuvre sont un facteur déterminant pour tous les résultats écono-miques.» Protection individuelle contre le risque du chômage et capacité d'innovation des entreprises convergent naturellement. Ce nouveau para-digme est aussi lié à une conception du gouvernement du sujet productif qui doit être "responsabilisé" en matière d'apprentissage, condition pour lui d'un bon parcours professionnel et d'une plus grande sécurité face à l'emploi." ... "...Ce nouveau paradigme s'articule avec les conceptions néolibérales du 'Workfare', visant à rendre "actif" le chômeur et, plus généralement, le salarié constamment exposé au risque du chômage par inadaptation de ses compétences. L'apprentissage à vie apparaît à cet égard comme une obligation de survie sur le marché du travail flexibilisé." [pp 40-41]

  25. "Qu'est-ce qui est en jeu ? Si l'Europe veut avoir l'économie et la société - basées sur les connaissances - la plus compétitive au monde, le développement des compétences est essentiel." Le rapport d'évaluation rédigé conjointement par les organisations patronales et syndicales européennes exprime le niveau de consensus qui règne parmi les "partenaires sociaux" pour transformer les systèmes de formation dans le sens d'une adaptation toujours plus étroite des cursus aux besoins des entreprises afin de réduire le chômage..." "… Selon le Mémorandum sur l'éducation et la formation, "l'optimisation de l'em-ployabilité" des salariés suppose que tout actif soit le sujet de son propre appren-tissage, qu'il soit "entrepreneur de lui-même" selon la formule typiquement néo-libérale. L'école ou l'Université n'ont plus à lui dicter son cursus, c'est à lui de définir son parcours selon le principe du libre choix dans un contexte concurrentiel: "La volonté individuelle d'apprendre et la diversité de l'offre, telles sont les ultimes conditions indispensables à une mise en œuvre réussie de l'éducation et la formation tout au long de la vie." Et le Mémorandum ajoute: "Au sein des sociétés de la connaissance, le rôle principal revient aux individus eux-mêmes. Le facteur déterminant est cette capacité qu'a l'être humain de créer et d'exploiter des connaissances de manière efficace et intelligente, dans un environnement en perpétuelle évolution." Derrière des propos triviaux, on retrouve la manière proprement néolibérale du gouvernement des sujets immergés dans un espace de concurrence. Le sujet est conduit à se responsabiliser et à calculer les avantages et les coûts de son apprentissage regardé comme un investissement plus ou moins rentable. " [pp 41-42]

  26. "En tant que futur "travailleur cognitif", l'"apprenant-entrepreneur" doit développer ses propres capacités d'information sur le marché des formations et ses propres compétences de calcul de rentabilité de ses investissements éducatifs. Mais il doit pouvoir compter sur des "techniques de soi" qui remplacent les formes trop ouvertement prescriptives de l'institution autoritaire. Si c'est le sujet qui doit savoir ce qui est bon pour lui, pour désirer aller de lui-même dans une direction déterminée, il est en droit de recevoir l'aide d'informateurs, de guides, de coachs qui l'aideront à se conduire au mieux dans la compétition. "Le Mémorandum compare ainsi le métier d'orientateur à celui d'un courtier en Bourse: "Le futur rôle des professionnels de l'orientation et du conseil pourrait être décrit comme un rôle de 'courtage'. Gardant présents à l'esprit les intérêts du client, le 'courtier en orientation' est capable d'exploiter et d'adapter un vaste éventail d'informations qui l'aident à décider de la meilleure voie à suivre à l'avenir." " On remarquera que les dispositifs formels de l'éducation s'en trouvent profondément changés. La transmission des savoirs ne prime plus, c'est la formation de l'individu flexible, habitué à s'orienter par lui-même dans un univers de choix permanent et de compétition, à s'informer des opportunités qui se présentent à lui. Par un glissement significatif, la connaissance est assimilée à une "information utile". Les réformes des systèmes scolaires et universitaires centrées sur l'"orientation active" sont des bons indices de cette mutation censée préparer les futurs salariés à leur "responsabilisation" individuelle sur le marché du travail. " [pp 42-43]

  27. "Pour [Gary Becker] économiste néoclassique américain, le "capital humain" est un bien privé procurant un revenu. Il est constitué d'un ensemble de ressources propres que l'individu cherche à accroître tout au long de son existence pour augmenter sa productivité, ses revenus et d'autres avantages personnels. Selon l'OCDE, le "capital humain" rassemblerait "les connaissances, les qualifications, les compétences et caractéristiques individuelles qui facilitent la création du bien-être personnel, social et économique. Mais le capital humain ne se définit pas tant par la nature précise de ses com-posantes, que par la manière dont le marché valorise certains atouts possédés par les individus. C'est la logique de la valeur qui sélectionne, hiérarchise, codifie et façonne les atouts en question : qualifications acquises dans le système de for-mation ou dans l'expérience professionnelle, mais aussi âge, sexe, beauté phy-sique, couleur de peau, civilité, manière d'être et de penser, état de santé, etc.." "Le "capital humain", comme le terme veut l'indiquer, est un stock cumulable, du fait des connaissances pratiques qui le constituent et qui peuvent augmenter par les apprentissages et l'expérience professionnelle. C'est ce que les économistes entendent signifier quand ils le définissent comme "le stock de connaissances va-lorisables économiquement et incorporées aux individus". L'effort en vue d'accu-muler du "capital humain" dépend entièrement du taux de rendement espéré. C'est ce gain qui est l'élément décisif du choix d'investissement. " [pp 43-44]

  28. "Selon cette conception radicale de l'homme économique, le financement de l'investissement doit dépendre des gains attendus. En fonction de l'impor-tance relative de ces derniers, le financement doit être réparti entre l'État, l'entreprise et l'individu." […] On voit par là que l'usage de cette notion participe d'une conception réductrice de la formation essentiellement considérée comme source de gains individuels pour le salarié et de gains de productivité pour l'entreprise. En ce sens, elle est strictement homologue à l'usage qui est fait de l'inno-vation dans le champ de la recherche. "Cette notion de "capital humain" est omniprésente dans le discours européen et elle a une portée structurante pour l'organisation institutionnelle des systèmes éducatifs. La conception du "capital humain" développée par l'OCDE et la Commission européenne dans les années 1990 est une version dure de la notion, alors que - par un quiproquo soigneusement entretenu - le discours politique à l'adresse de l'extérieur continue de laisser penser qu'il n'est question que d'"investissement dans le savoir", en particulier d'origine publique, ce qui a permis par exemple l'adhésion des syndicats européens. " [pp 44-45]

  29. "Du berceau à la tombe, le nouveau travailleur européen doit augmenter son "capital" personnel en "compétences", afin de maintenir en état et surtout d'accroître son "employabilité". Mais dire les choses ainsi, c'est encore concevoir le rapport salarié "à l'ancienne". Le travailleur doit précisément convertir sa subjectivité de salarié en une subjectivité de capitaliste dont les actifs sont ses propres compétences qu'il doit rentabiliser sur le marché de l'emploi. C'est la conception qui inspire "l'éducation tout au long de la vie" et la réforme de l'Université. Les conséquences pratiques les plus visibles de cette conception sont l'augmentation assez générale en Europe comme ailleurs des droits d'ins-cription universitaire. Dans un contexte de contrainte budgétaire, l'OCDE, la Banque mondiale et la Commission ont pressé les gouvernements à solliciter beaucoup plus les sources privées de financement des ménages et des entreprises. La tendance générale est à la privatisation accrue d'un financement supporté de plus en plus par les familles et les étudiants." [p 45]

  30. "Les notions que nous venons d'analyser gravitent toutes autour d'un noyau central : la "compétence". Le discours de l'école et sur l'école a été envahi par cette notion proliférante et polysémique. Elle imprègne tous les discours, toutes les analyses. Même la connaissance et les savoirs ne peuvent plus être réfléchis en dehors d'elle. Si l'on peut la comprendre dans des sens différents et si elle peut s'inscrire dans des contextes de pensée et d'action distincts, la notion est aujourd'hui utilisée selon une conception strictement économique de l'éducation qui relève d'un utilitarisme étroit. La "compétence" est définie comme une capacité à réaliser une tâche à l'aide d'outils matériels et/ou d'instruments intellectuels. Elle se définit donc par un aspect pratique, opérationnel, à la différence de la notion rivale de connais-sance. […] La "compétence" ne s'apprend pas nécessairement comme la connaissance. Elle ne suppose même pas une institution scolaire et univer-sitaire spécifique. Elle est donc particulièrement adaptée au paradigme de l'apprentissage à vie et à la diversité de ses modalités. En ce sens, elle participe non seulement à la domination de la logique économique, mais elle contribue aussi à la désinstitutionnalisation des instances de formation, et ce d'autant qu'elle est étroitement connectée avec l'exigence de flexibilité demandée aux travailleurs dans la "société de l'information" [p 46]

  31. "Ce point est évidemment essentiel et permet de mieux comprendre la portée des réformes en cours dans le système éducatif et la nature des illusions qu'elles véhiculent. Dans le discours européen, les "compétences de base" traduisent le mot anglais 'skills'. À ce dernier est généralement ajouté l'adjectif 'marketable', que l'on a traduit plus haut par "négociables sur le marché". Ce qui signifie que, selon ce discours, c'est le marché de l'emploi qui doit désormais dicter aux institutions scolaires et universitaires les contenus et les formes d'apprentissage dans la mesure même où le marché est la finalité normalisante de toute action éducative. On peut penser que cette désinstitutionnalisation à laquelle le discours dominant des compétences conduit va encore aggraver la perte de légitimité de l'école et des savoirs formalisés qu'elle continue à vouloir transmettre. On peut penser que l'école va même être le vecteur de contenus qui n'ont plus rien à voir avec sa fonction historique tant la notion de "compétence" est polysémique. Mais on doit se rappeler que, pour les promoteurs des réformes européennes, la seule instance disciplinante qui puisse légitimement conduire désormais les individus est le marché lui-même. [p 47]

  32. "C'est par référence au marché de l'emploi, lui-même lié aux autres marchés, que les individus vont s'orienter dans les différentes voies d'études, qu'ils seront incités à investir dans leur formation, qu'ils développeront des "motivations" pour élever leur niveau de compétences. D'où la radicalité, encore trop peu perçue, de ce discours des "compétences" que beaucoup d'enseignants reprennent à leur compte, souvent avec de bonnes intentions pédagogiques, sans prendre conscience qu'il est en train de miner l'institution scolaire et universitaire en détruisant les fondements historiques de sa légitimité. Car le système éducatif est désormais conçu comme une annexe institu-tionnelle du marché de l'emploi, dont les agents ont pour mission d'"accom-pagner individuellement" les élèves dans leur "orientation active", d'exercer vis-à-vis d'eux un coaching et un monitoring qui les amèneront à "optimiser leur potentiel" en vue de leur intégration, la seule dès lors qui vaille, dans le monde de l'entreprise. II s'agira essentiellement pour l'institution scolaire d'apprendre aux appre-nants la compétence suprême, la méta-compétence: celle de "se vendre" aux employeurs.." [p 45]

  33. "La conséquence sur l'enseignement ne se fera pas attendre longtemps: dilatation prévisible des "missions" de l'enseignant pour assurer ce monitoring personnalisé; extension du champ d'action de l'école à tout élément individuel qui peut prendre de la valeur sur le marché du travail (comportement, profil psychologique, apparence physique, etc.); déperdition des savoirs qui ne pourront prouver leur efficacité auprès des employeurs. Le système éducatif, comme instance annexe du marché de l'emploi, n'en perdra pas forcément sa place dans les institutions de socialisation. Mais son rôle ne sera plus le même. Il est sans doute appelé à jouer un rôle normalisateur essentiel puisqu'en préparant les jeunes à l'entreprise, il se chargera d'une part d'inculquer la nouvelle norme par de nouveaux dispositifs d'"orientation active" et d'"accompagnement individuel", et il aura d'autre part une fonction éminente de contrôle social en enregistrant minutieusement, trimestre après trimestre, les évolutions personnelles, les "potentialités", le profil psychologique, les écarts à la norme sociale, tous éléments réguliè-rement consignés dans le livret des compétences qui suivra l'apprenant tout au long de sa vie." [p 48] J'arrête ici le pillage de cette plaquette. Elle explore d'autres champs (Univer- ité, droit à l'éducation, laïcité, traités, Stratégie de Lisbonne...) : à vous.

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