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Paul REBEYROLLE (1926-2005)

Paul REBEYROLLE (1926-2005).

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Paul REBEYROLLE (1926-2005)

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Presentation Transcript


  1. Paul REBEYROLLE (1926-2005) “ Il arrive parfois que la peinture accompagne le combat des hommes, que les grands vents de l’histoire et de l’art soufflent en commun pour balayer les oppressions. Vivre dans ces vents-là, c’est vivre pour créer. ”Ces lignes écrites par Paul Rebeyrolle, à propos de sa série “ Évasions manquées ”(1980) illustrent ce que furent, de manière récurrente, ses sources d’inspiration.C’est avec violence et générosité qu’il dénoncera tout au long de sa vie, dans les thèmes abordés sous forme de série, les souffrances de la condition humaine, Il jettera sur la toile, comme une suite de grands " coups de gueule ", sa révolte contre le pouvoir des institutions génératrices d’injustices ("Les Panthéons", 1990), l’aliénation des hommes par d’autres hommes ("Les Prisonniers",1972) l’intolérance, les humiliations subies par les immigrés ("Le Sac de Madame Tellidjian", 1983), l’asservissement des peuples par deux systèmes politiques antagonistes mais complices ("Coexistences", 1970), la "société de consommation" soumettant les hommes à des lois qui les enchaînent ("Le Monétarisme", 1997). Il dira aussi son goût pour l’idée révolutionnaire, bien que conscient qu’elle finisse toujours par échapper aux peuples ("Guérilleros", 1968) et pour les plaisirs de la vie ("Bacchus",1997).Paul Rebeyrolle a posé la question sans fin de la place de l’homme dans la société mais également de la place de l’homme dans la nature. Car Paul Rebeyrolle était un amoureux de la terre dont il était pétri, de cette nature avec laquelle il a entretenu un rapport privilégié, physique, sensuel et nourricier, qu’il a appris à observer comme il a observé l’humanité. Tout au long de sa vie, entre deux séries, s’est imposée, comme pour souffler entre deux combats, pour s’apaiser un moment, la nécessité de peindre des rivières, des arbres, des poissons, des sangliers, des chiens, des vaches, des lézards. Il préférait la solitude de la forêt au bruit assourdissant de la ville, le silence de son atelier au bruit des mots. Travailleur inlassable, il expérimentera sans cesse, puisant, dans les matériaux, de manière unique et souvent surprenante, les armes pour répondre à la violence du sujet. Inertes, ils prennent vie, une vie qui explose, bien au-delà du châssis : le bois, la terre, la pierre, la ferraille, les fils électriques, les fils de fer, la toile de jute, les poils, le crin, les plumes, les oiseaux participent à cette naissance. Mêlés les uns aux autres par la peinture, ils deviennent peinture. Sa maîtrise de la technique et de la composition le conduira vers toujours plus d’exigence, celle de la volonté d’être au plus juste, celle d’exprimer sans dénaturer. L’œuvre de Paul Rebeyrolle constitue un manifeste qui reprend un chemin peu fréquenté dans l’histoire de la peinture, celui des Goya, Géricault, Courbet, qu’il admirait. Un chemin rude et escarpé, celui du combat contre l’aveuglement des hommes. Celui d’un peintre engagé, témoin critique de son temps.

  2. BIOGRAPHIE 1926 3 novembre : naissance de Paul Rebeyrolle, fils de Jean Rebeyrolle et de Marie Ensergueix,à Eymoutiers (Haute-Vienne). 1944 Il passe son bac philoen juillet et, dès le mois d'octobre, il se rend à Paris par "le premier train de la Libération". Il sait déjà depuis longtemps qu'il veut "devenir peintre". De cette adolescence en Limousin, il gardera la passion de la nature, de la campagne, et le sentiment violent que la conquête de la liberté est la nécessité absolue. 1947 Evénement important : le Louvre rouvre ses portes. Le choc est incommensurable, encore maintenant. Tous les dimanches, il profite de la gratuité du musée, qui présente les Vénitiens, Rubens, Rembrandt... 1950 Voyages en Espagne et en Italiepour visiter les musées. Il participe à des expositions de groupes et à des Salons. Il confortera son appétitde liberté dans l'atmosphère qui suit la Libération et la fin de la guerre. Ce goût d'indépendance le porte aussi à refuser l'enseignement des écoles d'art, quelles qu'elles soient : il fait le choix de travailler à l'atelier de Paris et à Eymoutiers, où il séjourne fréquemment. 1951 Début des expositions personnelles de Paul Rebeyrolle. 1953 Cette période est caractérisée par les choix artistiques qu'affiche Paul Rebeyrolle, notamment son rejet de la peinture abstraite et du réalisme socialiste. 1956 Les dix années qui vont suivre seront consacrées à diverses recherches, et jalonnées par de nombreuses expositions. 1959 A 33 ans, il réalise à Eymoutiers, Planchemouton, un grand tableau commandé par le comité de la première Biennale de Paris pour orner l'escalier du Palais des Beaux-Arts. Planchemouton est le nom de la grange où il peint ce tableau et celui du ruisseau qui borde l'actuel espace Paul Rebeyrolle. 1963 Il quitte Paris et s'installe à la campagne pour y vivre et y travailler, d'abord dans l'Aube, puis en Côte d'Or. 1961 Première expositionà la galerie Maeght, à Paris,où il présente un ensemble de toiles dont la plupart ont pour thème "Les instruments du peintre". Ces toiles matérialisent avec plus d'audace et de maîtrise l'évolution amorcée deux ans auparavant et dans lesquelles le rôle de la matière est encore accentué. Pendant l'été, il est invité à Cuba et réalise également deux oeuvres qui peuvent être considérées comme les premières de la série des "Guérilleros". 1968 A partir de cette année,les thèmes politiques qui reflètent ses engagements s'inscrivent dans des séries : 1968 Guérilleros 1970 Coexistence 1972 Les Prisonniers 1973 Faillite de la science bourgeoise 1975 Natures mortes et pouvoir 1980-1982 Les Évasions manquées 1983 Le Sac de Madame Tellikdjian 1984-1985 On dit qu'ils ont la rage 1986 Germinal 1987 Au royaume des aveugles 1990-1991 Les Panthéons 1993 Splendeur de la vérité 1997-1999 Le Monétarisme.

  3. Ce cycle d'inspiration est ponctué par d'autres thèmes : Nus, Sangliers, Paysages, Grands Paysages, À propos de Courbet, Bacchus. 1970 Il présente à la Galerie Maeght des peintures récentes de grand format, les Coexistences, dans lesquelles il traite de la coexistence pacifique en peignant des corps écrasés par deux "blocs". Le catalogue est préfacé par Jean-Paul Sartre. Il commence également une série consacrée aux Nus, ainsi qu'aux Sangliers, oeuvres qui seront présentées l'année suivante à la Fondation Maeght à Saint-Paul. 1973 Il expose à la galerie Maeght "Les Prisonniers", série dans laquelle il aborde le problème de la prison, en représentant des chiens engrillagés. Le catalogue est préfacé par Ricardo Porro et par Michel Foucault qui retrouve dans cette série l'un de ses thèmes familiers. 1974-1915 Il réalise la série "Faillite de la science bourgeoise". 1976 Il achève la série "Natures mortes et pouvoir", commencée l'année précédente. Sur le même thème, il illustre le texte de Samir AminÉloge du socialisme, édité par Maeght Éditeur. 1971 Il commence une série de grands paysages (sources, cascades et rochers), univers dans lequel il retrouve la permanence d'un thème qui lui est cher. 1979 Première exposition rétrospective aux Galeries nationales du Grand Palais, à Paris. 1980-1982 Il réalise la série des "Évasions manquées." 1983-1984 Il réalise la série "Le Sacde Madame Tellikdjian." Un important dossier, signé par de nombreux auteurs et artistes,lui est consacré dans la revue Opus international. Il commence la série"On dit qu'ils ont la rage". Au cours des années suivantes, Paul Rebeyrolle poursuit un cycle de séries dans lesquelles il continue d'exprimer, avec une grande verve, la force d'un propos toujours engagé "Germinal" (1986) "Au royaume des aveugles" (1987) "Les Panthéons" (1990-1991) "Splendeur de la vérité" (1993) "Le Monétarisme" (1999) ... qui se poursuivent en se renouvelant, entrecoupées de respirations "A propose de Courbet", "Bacchus". 1995 Inaugurationde l'Espace Paul Rebeyrolle à Eymoutiers. 1999 Voyage à Madagascar. 2005 Paul Rebeyrolle décède le 7 février à Boudreville en Bourgogne. L'Espace Paul Rebeyrolle fête son dixième anniversaire.

  4. Roger Edgar GILLET (1924-2004) Pour comprendre l’œuvre de Roger Edgar Gillet, il faut accepter de dépasser les apparences, d’aller au-delà d’une première impression visuelle, Il faut aussi relire les précieux entretiens qu’il avait donnés à Alexis Pelletier en 1998 (une réédition est d’ailleurs prévue pour juin 2006).À lire les titres des œuvres de Gillet,on se met à penseraux Contes drôlesd’ Octave Mirbeau : "La Justice de paix", "les Élections", "le Sous-préfet"," le Père Gibory àconfesse". Gillet aimait Mirbeau, Mirbeau aurait sûrement aimé Gillet. Mais passé le premier sourire, celui que fait d’abord naître une caricature de Daumier, on pense plutôt aux Contes cruels du même. On frissonne à l’idée d’être jugé par les magistrats formant "Le Prétoire", de subir l’emprise de "La grande Bigote". La dérision et l’ironie se mêlent pour former un cortège " tragi-comique". Plume et pinceau sont trempés dans l’acide pour peindre et dépeindre un monde que le temps n’a pas effacé, n’a finalement guère fait évoluer.De prime abord, on ressent en effet cette curieuse sensation d’être confronté à un monde à la fois rassurant et inquiétant, sombre et étincelant, entre réel et informel. On ne peut pas se tromper non plus, " la touche ", "la facture" sont reconnaissables. Pas l’ombre d’un doute.Puis on se dit : oui Gillet est peintre. Certains conceptualisent, d’autres minimalisent, d’autres photographient ; son goût pour la matière, les sensations émotionnelles et physiques qu’elle lui procure, auraient pu l’amener vers la sculpture, mais Gillet peint. . Il peint par évidence, comme d’autres sont boulangers ou menuisiers. "Les questions esthétiques ne m’intéressent pas. Je crois même qu’elle me dépassent : je suis peintre. La peinture, c’est une expérience physique". C’est en 1957, il est alors en pleine période abstraite, que commence son aventure figurative. Que Gillet devient Gillet. En découvrant à New York, le portrait d’un évêque peint par Greco. "Devant la méchanceté de ce regard, je me suis dit qu’avec la peinture abstraite, on perdait quelque chose : on ne pouvait plus peindre la profondeur d’un regard. " Et plus tard : " J’aime tyranniser les visages "." Le génie, c’est soixante-dix ans de métier " : Gillet se plaisait à rapporter ces mots de Renoir, et ajoutait " le talent, c’est le savoir-faire ". Un savoir-faire qui devient savoir, une technique totalement maîtrisée qui requiert de longues années de pratique. "On ne peut plus faire de la figuration comme David, Degas, Van Gogh ou Cézanne. Il appartient à chaque peintre de renouveler la figuration". En même temps, il avoue la filiation : " on a l’impression qu’il y a eu la peinture ancienne puis la peinture moderne. C’est une aberration. On ne peut pas séparer Music de Goya. Pour moi rien n’a changé, sauf les époques ".Et, comme Cézanne le conseillait à Jules Borély en 1902 "maintenantallons voir les œuvres".

  5. BIOGRAPHIE 1982/1990 Peint la série des « Villes ». Rétrospective au Centre National des Arts Plastiques à Paris en 1987. Entreprend la série des «Mutants» qui évoluera vers les «Marches des Oubliés» 1990/1998 Peint des paysages maritimes « Tempêtes et bateaux ivres » présentés à la FIAC en 1994. Réalise, en 1995, une centaine de dessins qui le conduisent à reprendre l'étude de personnages « Les Demoiselles d'Avignon », « les Apôtres » et en 1998 « les Conversations ». Mise en oeuvre du catalogue raisonné par le Fonds Gillet. 1999/2003 Rétrospective « 50 ans de peinture » au Palais Synodal de Sens. En 2002, expositions « 10 tableaux majeurs des années 50 » à la Galerie Ariel et « Figures Voilées » à la Galerie Guigon. En 2003 expositions « La grande Dérision » à Art Paris et à la Galerie Guigon 2004 Le 2 octobre 2004 décès de Gillet à Saint-Suliac 2005 Exposition «Je garderai un excellent souvenir de vous !» au Centre d'Art Présence Van Gogh de Saint-Rémy-de-Provence 2006 Exposition « Tempêtes et mutants » à la Galerie Guigon. Rétrospective au Crid'art d'Amnéville­les-Thermes 1924 Naissance le 10 juillet à Paris 1939/44 École Boulle puis École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs 1947/1948 Professeur à l'Académie Jullian 1951/1955 Travaille à Paris comme décorateur, mais abandonnera cette activité pour se consacrer à la peinture. Ce sont les années abstraites marquées par la rencontre avec le critique Michel Tapié 1954/55 Reçoit le prix Fénéon et le prix Caterwood qui lui permet de voyager quelques mois aux Etats­Unis 1956/1962 Première exposition personnelle en 1956 à la galerie Ariel, fondée par Jean Pollak, qui présentera Gillet régulièrement. Sa peinture quitte progressivement l'abstraction et aborde une figuration imaginaire avec des thèmes tel que « Les Poux » 1963/1970 Travaille sur le corps et le portrait 1971/1981 Aborde des grands thèmes : « Les Épousailles des nains », « Les Juges », «Les Bigotes », « Les Musiciens »

  6. Zoran MUSIC(1909 – 2005) Né en 1909 à Gorizia, en Dalmatie (région de Slovénie). Après des études aux Beaux-arts de Zagreb (1930-1935), il voyagea en Italie, en Espagne et à Paris. Il effectua des copies de tableaux de Goya et du Greco, au musée du Prado. Sa première exposition personnelle eut lieu en 1938. En 1944, il fut arrêté par la Gestapo et déporté à Dachau. Cette période de captivité et de souffrance détermina tout son oeuvre à venir. Lors de sa captivité, il réalisa au risque de sa vie, une centaine de dessins décrivant ce qu'il voyait, c'est-à-dire l'indescriptible. Zoran Music fut saisi par une incroyable frénésie de dessiner, peut-être sa seule issue pour s'en sortir. Il dessina la vie au camp, "une vie de tous les jours dans un brouillard, ombres et fantômes bougent". Au sortir de cette douloureuse expérience, il fit des séjours réguliers à Venise et en Suisse puis s'installa à Paris en 1952. Il réalisa entre autres de nombreuses vues de Venise (lagune, architecture) dans une palette Terre de Sienne aux tons doux et brumeux. En 1995, il a fait partie de la sélection pour le centenaire de la Biennale de Venise. Il a vécu et travaillé tout au long de sa vie entre Paris et Venise. 2005, il s'éteint le 25 mai à Venise. Il était âgé de 96 ans. Ce fut seulement en 1970, à l'âge de soixante et un ans, que Music franchit un pas décisif. Intactes du fond lointain de sa mémoire, ces empilements de morts, ces monceaux de corps, ces morts et ces mourants étendus tantôt solitaires, tantôt par deux ou par trois, le crâne ras, les orbites creuses, le cartilage du nez étrangement saillant, les bouches noires, édentées, béantes vers le ciel, les bras recroquevillés, les doigts crispés ceux-là mêmes dont il avait voulu conserver le souvenir dans ses dessins, furtifs et terribles.Elles défilèrent ainsi, inlassablement, pendant six ans, et resurgirent encore vers la fin des années quatre-vingt, ces oeuvres que l'artiste choisit d'appeler Nous ne sommes pas les derniers. Pourquoi ce titre? « Lorsque nous étions dans le camp, dit-il, nous nous disions souvent que ce genre de chose ne pourrait plus jamais se produire: "nous étions les derniers" à qui cela arriverait. Quand je revins du camp [...] la peinture émergea, intacte, après tous les dessins que j'avais faits là-bas. Et je croyais vraiment que tout ce que nous avions vécu là était une chose du passé. Mais ensuite, le temps passant, je vis que le même genre de chose commençait à se produire partout dans le monde: au Viêt-nam, dans le Goulag, en Amérique latine partout. Et je me rendis compte que ce que nous nous étions dit alors que nous serions les derniers n'était pas vrai. Ce qui est vrai, c'est que nous ne sommes pas les derniers. [...] C'est donc un reflet venu de l'extérieur qui a suscité ces souvenirs en moi, le souvenir de ces choses qui avaient fait sur moi une si forte impression, et qui les fit émerger à nouveau.» Devant l'horreur, le silence.

  7. Mais cette expérience n'avait pas seulement influencé sa façon de voir le monde; elle avait aussi déterminé une manière qui affectait la forme même: « Ce que j'ai vécu à Dachau m'a appris à m'attacher à l'essentiel, à éliminer tout ce qui n'est pas indispensable. Aujourd'hui encore, je peins avec un minimum de moyens. II n'y a plus, dans ces travaux, ni gestes, ni violence. On parvient à une sorte de silence qui est peut-être un aspect caractéristique de mon travail. II n'y avait jamais, voyez vous, dans la mort de tous ces gens à Dachau, la moindre rhétorique. Chez les milliers de morts que j'ai vus, je n'ai jamais entendu un cri, je n'ai jamais vu un geste. Et bien entendu, la protestation elle-même était tout à fait impensable dans de telles circonstances. Tout cela ressort dans mes tableaux. Je suis donc tout à fait incapable, après tout ce que j'ai vécu, de faire de la démagogie ou de la rhétorique, comme le font ceux qui trouvent leur avantage dans la polémique. J'ai vécu dans un monde qui était absolument tragique, et j'ai appris que c'était un endroit où règne le silence. C'était le contraire de tout ce qu'on pouvait attendre. Et la tragédie devenait bien plus grande et intense à cause de cela, précisément.»Certains demandent à Music si le fait de peindre tous ces morts ne l'a pas libéré du cauchemar qu'il a vécu. C'est mal comprendre la complexité du rapport qui nous lie à l'expérience profonde: en aucun cas, dit-il, il ne souhaiterait s'en libérer, car c'est, à son sens, un véritable trésor. Un rêve qu'il rapporte est gage de sa sincérité : il se trouvait dans un stade immense, débordant d'une foule innombrable; et pas une personne dans cette foule qui ne fut un cadavre. «C'était quelque chose de magnifique pour moi, parce que c'était comme une vision inépuisable. Et puis, soudain, les gradins ne sont tous mis à glisser vers la gauche et hors de ma vue. Et je me suis réveillé désespéré, sûr que j'avais perdu pour de bon une chose extrêmement précieuse à mes yeux.»Mais il y a un autre paradoxe poignant dans ces oeuvres terribles. Music parle volontiers de la «beauté» de ces morts. Ses peintures mêmes sont picturalement admirables. Certaines d'entre elles, retournées, feraient songer, par la finesse des teintes et l'économie des moyens, à un paysage chinois. Comment est-ce possible? La question se pose, et le fait pourrait même paraître incongru s'il n'y avait, là-dessous, un sens plus profond.Dans un autre contexte, évoquant Goya et les Désastres de la Guerre, il insistait sur l'importance cruciale de l'expérience vécue dans des oeuvres de ce type : « On ne peut pas transmettre l'émotion d'une situation qu'on n'a pas vécue. Même les plus grands peintres ne sauraient le faire. Je ne sais si j'ose le dire, mais Guernica ne me touche pas. Picasso a vécu cet événement de l'extérieur, de loin. II était bouleversé, c'est certain. Mais quand tu participes, quand tu es dedans, quand tu souffres avec... c'est autre chose.» II convient donc de reconnaître que Music est en droit de représenter ces choses dans la mesure seulement où il les a vécues lui-même.Reste un autre obstacle, qui peut paraître insurmontable: l'expérience des camps demeure sans doute incommunicable, en ce qu'elle modifie radicalement la représentation que l'on se fait de toute chose du monde, de son propre moi, de la vie et, assurément, de la mort. Elle crée donc, en un premier temps, entre ceux qui ont vécu ces choses et les autres, une impossibilité de communiquer. II en résulte un corollaire: la conviction, chez les uns et les autres, qu'une telle expérience ne saurait trouver une expression artistique digne d'elle. Son altérité absolue, son obscénité au sens étymologique, le caractère monstrueux de l'entreprise, en font, au regard de notre sensibilité étrangère à ce monde-là, un gouffre insondable d'inhumaine laideur. Et voilà que Music se met à peindre cette douleur, cette obscénité, cette altérité, avec une parfaite simplicité, en utilisant les moyens qui nous avaient justement paru déplacés, inadéquats à la tâche; les moyens de la beauté et non de la laideur à laquelle eurent parfois recours d'autres artistes avant lui. II a évidemment raison, car on ne saurait condenser en un tableau une somme de laideur qui «fasse le poids» face à un tel sujet. Mais en mettant en oeuvre au contraire, ces moyens délicats de son art, sa finesse, son silence même, il permet enfin à cet événement de rentrer dans le discours de la communauté dont on le croyait à tout jamais exclu ; et il restitue à ces corps qui ont soufferts la qualité d'humanité dont l'énormité de l'horreur semblait les avoir dépouillés. C'est ainsi que le cri cède la place au silence, et l'horreur à la beauté. Le silence seul est adéquat à la dignité de la victime, et la beauté, en pénétrant au plus profond de l'horreur, la traverse sans être entachée ni obscurcie, pour éclairer ces chairs ravagées et les ramener dans nos consciences et dans le sein de la communauté des hommes. Zoran Music N° spécial connaissance des Arts, 1995, Extraits de l’articles de Michael Gibson, pp.33 à 39

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