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Pr. Malika Benradi Faculté de Droit Agdal Rabat

L ’ avortement dans le monde musulman: les termes d ’ un débat pour une révision de l ’ arsenal juridique marocain. Pr. Malika Benradi Faculté de Droit Agdal Rabat. Quelques remarques préliminaires.

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Pr. Malika Benradi Faculté de Droit Agdal Rabat

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  1. L’avortement dans le monde musulman: les termes d’un débat pour une révision de l’arsenal juridique marocain Pr. Malika Benradi Faculté de Droit Agdal Rabat

  2. Quelques remarques préliminaires • Sujet inquiétant : ampleur du phénomène / 46 millions dans le monde dont 20 millions dans les pays où l’IVG est interdite. • Selon l’OMS, chaque année, 19 millions d’AAR dans le monde sont enregistrés dont 13 % se soldent par la mortalité maternelle en Afrique. • Au Maroc, selon l’estimation approximative de l’AMLCAC, plus de 600 femmes se font avorter par jour de manière clandestine, dans des conditions très préjudiciables pour leur santé.

  3. Sujet sensible : Il touche à la sexualité des femmes : sujet tabou, de non dit. Sujet complexe : que l’on considère les femmes qui avortent comme « coupables » ou comme « victimes » on ne peut nier que différentes causes interviennent dans la décision d’interrompre la grossesse.

  4. L’étude publiée en 2008 par Perspectives Internationales – sexualité et santé reproductive- suite à l’enquête réalisée dans 27 pays, montre que la cause principale est socio-économique, elle est inhérente à la pauvreté notamment au Bengladesh, en Inde et au Kenya.

  5. - Au niveau du droit, dès le début du 20 siècle, l’URSS en 1919, l’Islande en 1935 et la Suède en 1938 décriminalisent l’IVG. • - En 1967 le RU l’autorise sous conditions, la France le décriminalise en 1975. • -La majorité des pays musulmans interdisent l’IVG et permettent l’AT d’où l’importance de la lecture restrictive du référentiel religieux et son impact sur le droit positif.

  6. l’IVG demeure un sujet de débat entre le droit à la vie pour le fœtus et le droit à la liberté pour les femmes de gérer leur santé reproductive. • L’arsenal juridique réglementant l’avortement reproduit incontestablement la morale, la religion, les traditions et les coutumes de chaque contexte.

  7. Question fondamentale • Le premier droit humain fondamental est le droit à la vie. • Ce droit à la vie pose la question fondamentale : • Quand commence la vie, est-ce que l’avortement constitue une atteinte à la vie ?

  8. La position des instruments internationaux • - La CDEF n’a pas pris position explicitement sur la question de l’avortement. • L’Art. 12 de la CEDEF se limite à l’accès des femmes aux services médicaux y compris ceux relatif à la planification familiale.

  9. La Charte Africaine des Droits de l’homme et des peuples précise : • Art 14 : Les Etats assurent le respect et la promotion des droits de la femme à la santé, y compris la santé sexuelle et reproductive. • Alinéa 3, il est demandé aux Etats de protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé dans des cas précis : grossesse à la suite d’une agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus

  10. La Convention relative aux droits de l’enfant (1989) ne traite pas non plus de l’avortement et se limite dans son préambule à affirmer que «  l’enfant a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance".

  11. La conférence du Caire en 1994 avait recommandé de permettre l’avortement dans certains cas : • - pour protéger la vie et la santé de la mère, • - pour prévenir la naissance d’enfants malformés ; • dans le cas de viol et d’inceste.

  12. Le programme d’action du Caire (1994) • La plate forme d’action de Pékin (1995) soulignent l’accès des femmes aux conseils et services leur permettant un libre exercice des droits sexuels.

  13. La position de la Chariaâ Le Coran contient de nombreux versets qui décrivent les étapes successives du développement de la vie dans l’utérus/versets 5 12,14,22,23, ces étapes sont confirmées par le prophète : "… c’est nous qui vous avons créés : - de poussière (turab), - puis d’une goutte de sperme (nutfah), - puis d’un caillot de sang (alaqah), - puis d’une masse flasque (mudghah)….

  14. Chaque étape dure 40 jours , au terme de ces transformations (120 jours), l’âme est insufflée. Consensus des 4 rites sur la durée de 40 jours pour chaque étape.

  15. Interprétations et positions du Fiqh La majorité des juristes musulmans autorisent l’avortement si la vie de la mère est en danger, les 4 rites adoptent des positions différentes, selon les situations :

  16. La position dépendant de l’âge de la grossesse : • Les hanafites et les hanbalites admettent l’avortement dans les 120 jours : 40 jours pour chacune des étapes avant que l’âme ne soit insufflée. • Les malekites et les chafiites l’admettent dans les 40 jours. L’acte demeure makrouh et soumis au consentement des époux et à l’avis médical.

  17. Les cas de nécessité où l’avortement est permis dans les 120 jours avant que le l’âme ne soit insufflée (El Bouti): - La poursuite de la grossesse présente un danger de mort pour la mère. - La poursuite de la grossesse aura des conséquences permanentes sur la santé de la mère. - La poursuite de la grossesse conduit à l’assèchement du lait maternel menaçant la vie de l’enfant nourri au sein alors que la mère n’a pas les moyens pour louer les services d’une nourrice.

  18. - Le cas de l’adultère, du viol et de l’inceste : L’avortement est strictement prohibé en cas d’adultère, il est permis dans le délai de 120 jours en cas de viol et d’inceste.

  19. - L’avortement de convenance ou de confort : • Pour certains fouqahas (El‑Buti) : la femme peut avorter dans les 120 jours. Passé ce délai, elle ne peut plus invoquer la convenance ou le confort. Le respect de la vie du fœtus est plus important que l’atteinte à l’intégrité corporelle de la femme. • Pour d’autres (Aroua) : l’avortement de convenance ou de confort est strictement interdit.

  20. Le fœtus malformé : PourAl Buti l’avortement est interdit : personne ne peut affirmer avec certitude la malformation. Pour Aroua : Lorsque l’enfant présente un risque génétique ou constitutionnel décelable avec une quasi-certitude, risque incompatible avec une vie normale, la décision peut être prise pour interrompre la grossesse.

  21. Pour Al Bar il est permis de faire avorter un fœtus malformé dans les 120 jours de la grossesse. Au-delà de ce délai, il n’est permis de le faire que s’il y a un danger pour la vie ou la santé de la mère.

  22. La position des législations dans certains pays musulmans Les législations de la majorité des pays musulmans adoptent en général la même position : - Incrimination de l’IVG - Acceptation de l’AT

  23. Solutions fondées sur le Qyas pour admettre l’avortement • le code pénal libanais (art 545) et syrien (art. 531) font bénéficier d’une excuse atténuante "la femme qui se fera avorter pour sauver son honneur». • Bénéficie de la même excuse la personne coupable d’un tel avortement avec ou sans consentement de la mère qui aura agi dans le but de sauver l’honneur de sa descendante ou celui d’une parente jusqu’au deuxième degré.

  24. Le code pénal soudanais (art. 135) dépénalise l’avortement lorsque trois conditions sont réunies : - La grossesse est le résultat d’un viol, - La grossesse n’est pas désirée : l’avortement doit avoir lieu dans les 90 jours de la conception.

  25. L’avortement pour raison de santé physique et mentale de la mère et malformation du fœtus est admis en : - Jordanie (1971) • Kuwait (1981 ) • Qatar (1983) • Algérie (1985) • Égypte (2005) • Iran (2005)

  26. Mali : sauvegarde de la vie, santé physique de la mère, viol et inceste, l’avortement doit être pratiqué dans les 120 jours après la conception.

  27. Solutions fondées sur le consensus Ijmaa Université Al Azhar (Décembre 2007) : Les femmes enceintes à la suite d’un viol peuvent recourir à l’avortement sous contrôle médical. Mohamed Sayed Tantawi « … toute jeune fille ou femme victime d’un viol a le droit, en Islam, de recourir à l’avortement à tout moment et elle n’aurait pas péché ».

  28. Seules la Tunisie (1973) et La Turquie (1983) permettent l’interruption volontaire de la grossesse, sur demande de la femme entre les 10 et 24 semaines de grossesse pour des raisons de santé physique, mentale, d’anomalies congénitales, viol ou inceste ou pour des raisons sociales. • L’avortement doit être effectué par un médecin qualifié et en milieu médical.

  29. Malgré ces restrictions, l’avortement clandestin est courant dans les pays musulmans. • Au Maroc, certaines études montrent qu’il n’est pas socialement répréhensible. Il fait partie des «interdictions tolérées», l’opinion publique ne le réprime pas sévèrement, elle lui trouve des justifications : nombre élevé d’enfants, santé de la mère, besoins de l’enfant à satisfaire, pauvreté du couple… • Ce qui pose par conséquent le problème de l’inadéquation de la norme juridique avec la réalité sociale et appelle à l’ouverture de l’Ijtihad.

  30. Les articles 449 -452 du code pénal marocain répriment l’avortement de manière claire. • L’article 453 qui permet l’AT est vague : il vise à sauvegarder la vie ou la santé de la mère. • Qu’est ce qu’on entend par santé de la mère ? L’OMS la définit comme état de bien être physique, psychique et social. • Une grossesse non désirée peut avoir un impact sur la santé psychique de la mère. La loi devrait tenir compte de cette définition.

  31. Solutions fondées sur l’Ijtihad • L’ijtihad est un droit et un devoir de tout - e musulman - e. • L’avortement se prête à l’Ijtihad • Le concept d’extrême nécessité est essentiel dans le débat sur l’avortement, il est limité à la santé et à la vie de la mère. • Il doit être élargi à la santé mentale de la mère, au viol, inceste et malformations fœtales.

  32. Il est nécessaire d’encadrer l’avortement lorsque : • La grossesse constitue une menace pour la vie de la mère, pour sa santé physique et mentale, • La grossesse est le résultat d’un viol et/ou d’un inceste, • Le fœtus est atteint de graves anomalies congénitales. • L’avortement doit intervenir avant les120 jours de grossesse ( consensus des 4 rites), dans un milieu médical avec l’assistance d’un personnel qualifié.

  33. Les Perspectives La sensibilité et la complexité de la problématique permettent de se poser une seule question : Est-ce c’est réellement le référentiel religieux qui interdit l’avortement ou bien une idéologie qui s’approprie la lecture restrictive de ce référentiel et l’instrumentalise pour mieux affirmer ses pouvoirs sur les droits reproductifs des femmes?

  34. On peut comprendre que les différentes interprétations religieuses puissent porter l’empreinte des contextes géopolitiques dont elles sont issues et des milieux socio- culturels qui les ont produites. • Mais ce qui est difficile à comprendre c’est comment ces différentes interprétations restrictives des droits des femmes, sont devenues elles mêmes immuables et complément hermétiques à toute réflexion critique et ont de ce fait occulter les interprétations en faveur des situations où l’avortement peut être permis.

  35. Le délai de 120 jours de grossesse, permettant l’avortement, justifié par une interprétation du texte coranique et par le Hadith, ne semble pas emporter l’adhésion de tous les Fouqahas, parce que la sacralité des interprétations plus restrictives a nourri la confusion entre ce qui relève du texte et ce qui relève de l’ordre de l’interprétation subjective humaine.

  36. Il est urgent que la pensée islamique puisse évoluer, afin de se redéfinir, de se repenser et de faire la distinction nécessaire entre le message spirituel et les interprétations nombreuses qui ont figé le texte et tué son esprit et ses finalités et qui confondent permission de l’avortement dans certaines conditions avec libéralisation des moeurs.

  37. Accepter l’avortement dans les 120 jours, dans les cas cités et admis dans de nombreux pays musulmans aurait pour objectifs au Maroc : - de lutter contre l’avortement clandestin à risques, • de réduire le fléau de la mortalité maternelle, • de réformer une pensée religieuse très appauvrie et presque focalisée sur la seule tendance moralisatrice de l’Islam.

  38. Cette position est portée par des femmes et des hommes qui contestent l’analyse conservatrice qui stipule que l’interdiction est inhérente au texte sacré en démontrant que ce sont, en fait, les lectures avalisées par des coutumes patriarcales, qui ont plus légitimé cette interdiction.

  39. Cette question nous semble décisive : elle commande, l’ouverture des mentalités par des révisions culturelles et intellectuelles radicales, qui permettront de répondre, par des solutions adaptées, à ce fléau qui ne touche que les femmes démunies, en permettant de responsabiliser les femmes, de les autonomiser et d’en faire des citoyennes à part entière.

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