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Olivier Costa Sciences Po Bordeaux – master 2 2009-2010 o.costa@sciencespobordeaux.fr Le policy making de l’Union européenne. 21/09/2014. 1. Repères biographiques chercheur au CNRS (Centre national de la recherche scientifique); laboratoire SPIRIT de Sciences Po Bordeaux.

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  1. Olivier Costa Sciences Po Bordeaux – master 2 2009-2010 o.costa@sciencespobordeaux.fr Le policy making de l’Union européenne 21/09/2014 1

  2. Repères biographiques • chercheur au CNRS (Centre national de la recherche scientifique); laboratoire SPIRIT de Sciences Po Bordeaux. • professeur de science politique à Sciences Po Bordeaux, à l’Université Libre de Bruxelles (depuis 2004), au Collège d’Europe (Bruges) et à l’Université de Genève. • responsable de la Section d’études européennes de l’Association française de science politique. • expert auprès de la DG Recherche de la Commission, du Parlement européen et d’EPSO. • recherches: • institutions de l’Union, notamment le Parlement européen • politiques de l’Union, notamment la PAC • représentation parlementaire comparée en Europe • intégrations régionales comparées

  3. INTRODUCTIONA. L’Union européenne entre régime international et régime politique • paradoxe : l’Union européenne (UE) est peu présente dans les espaces publics nationaux mais s’impose comme une réalité incontournable • l’attitude des citoyens et des responsables politiques vis-à-vis de l’UE est ambiguë : ils admettent que l’intégration européenne est un succès mais sont très critiques à son encontre, pour les raisons les plus diverses • l’UE, construction économique, peine à développer son action dans des domaines plus régaliens et à affirmer sa dimension politique • l’UE apparaît aussi comme le principal vecteur du changement, surtout dans ce qu’il a de plus contestable. • les responsables nationaux cultivent font de l’UE un bouc émissaire commode

  4. Cette situation n’est pas étonnante : • il faut souligner la faible capacité structurelle de l’UE à apporter des satisfactions aux citoyens : • l’UE est avant tout un Etat régulateur, pas un Etat providence • ses capacités de redistribution sont limitées à quelques secteurs • son budget n’a rien de commun avec celui d’un Etat fédéral • la puissance des institutions de l’UE contraste avec l’opacité du système et le caractère anonyme des acteurs institutionnels : • les citoyens ne comprennent pas le fonctionnement de l’UE et ignorent l’identité des décideurs européens • les médias évoquent peu l’UE • les « nouveaux médias » (sites Internet, blogs...) diffusent le plus souvent une information très orientée, à charge ou à décharge.

  5. Les inquiétudes des citoyens à l’endroit de l’Union doivent être considérées comme légitimes, même si elles reposent en partie sur des considérations irrationnelles. Il faut éviter d’y voir uniquement de l’obscurantisme, de l’incompétence ou du scepticisme : stigmatiser « l’ignorance du peuple », c’est remettre en cause la démocratie. Il faut au contraire comprendre ce rejet, en tirer des conséquences analytiques à quatre niveaux : • la possibilité d’opérer une intégration politique à l’échelle supranationale • la manière dont le système politique de l’UE fonctionne • la communication de l’UE et sur l’UE • les politiques qui sont menées et les choix qui sont faits. L’analyse politologique de l’UE doit comprendre les réticences qu’elle suscite et non les dénoncer. Il faut en souligner la complexité.

  6. L’UE rencontre des difficultés particulières dans sa légitimation : • Il s’agit d’une nouvelle forme politique qui ne correspond pas aux canons du parlementarisme : • Pas de séparation claire des pouvoirs • Pas de chaînes de responsabilité • Pas de constitution fixe/écrite • Pas de peuple • Pas de nation • Pas de frontières stables • L’UE concentre aussi les critiques qui s’expriment à l’endroit du pouvoir politique dans le cadre national : centralisation excessive, élitisme, manque de transparence, corruption… • L’UE est aussi critiquée parce qu’elle remet en cause le cadre habituel de l’action politique et de la légitimité : l’Etat souverain. L’intégration européenne (comme la globalisation) remet en cause un schéma qui fonde historiquement la liberté et la démocratie.

  7. La souveraineté des Etats ne s’accommode traditionnellement que de trois formes d’organisation au niveau international : • l’organisation internationale classique  • la confédération  • la fédération  L’UE est de fait une autre approche : un système politique né sans théorie préalable et pour lequel il est difficile d’énoncer un modèle clair a posteriori. L’UE cultive les ambiguïtés quant au détenteur du pouvoir, à la localisation de la souveraineté et aux rapports entre les citoyens et les institutions. Les modalités de décision sont multiples, tantôt fédérales, tantôt confédérales, tantôt intergouvernementales. Cette situation explique les fortes divergences qui existent dans le milieu scientifique au sujet de la nature de l’Union.

  8. Comment l’expliquer? L’UE est le produit de l’intégration d’Etats nations anciens et puissants, dotés d’une forte identité nationale et désireux de préserver leur souveraineté. Les Etats ne se sont pas dissous dans l’UE et n’ont pas été privés de leurs compétences, de leur autonomie, de leur souveraineté. De ce fait: • l’architecture et l’histoire de l’UE sont largement déterminées par le respect de la souveraineté des Etats et la pondération de leur influence respective au sein des différentes institutions (Conseil, Conseil européen, Commission, PE, Comité des régions…). • l’histoire de l’intégration européenne se caractérise par l’attention très grande portée à la question de la répartition des compétences entre les niveaux national et européen de gouvernement. Ces deux caractéristiques expliquent, en partie, la complexité du système institutionnel de l’UE, les difficultés de sa réforme et la multiplicité et la lourdeur des procédures décisionnelles.

  9. L’UE peut donc être vue alternativement : • comme une organisation internationale en charge d’un marché unique, complété par quelques politiques embryonnaires et facultatives ; • comme une entité politique quasi-fédérale, dotée de valeurs et d’objectifs, ayant vocation à agir sur la scène internationale. La thèse réaliste est convaincante lorsque l’on se penche sur les raisons pour lesquelles les Etats-membres ont accepté de participer à ce projet et de l’approfondir sans cesse. Attention à la belle histoire des Pères fondateurs. Mais il faut aussi admettre que des ambitions initiales, dynamiques internes, événements extérieurs et hasards de l’histoire ont fait de l’intégration européenne davantage qu’un régime international destiné à servir les intérêts des Etats membres. Un « supplément d’âme » de l’Union s’exprime à trois titres au moins : • l’attachement de l’UE à des objectifs et valeurs tels que la démocratie, les droits de l’homme, la justice sociale, le développement durable • la montée en puissance d’institutions indépendantes telles que la Commission, le PE, la CJCE, la BCE... qui échappent au contrôle des Etats membres • l’institution par le traité de Maastricht d’une citoyenneté européenne, la reconnaissance du rôle des partis politiques européens, l’introduction par le traité de Lisbonne de la procédure d’initiative populaire, l’existence d’un embryon d’espace public européen.

  10. L’UE se situe donc entre un « régime » au sens de la théorie des relations internationales et un « régime » au sens de la politique comparée : • régime international : ensemble de normes, d’institutions et de politiques communes permettant à des Etats de gérer plus efficacement des problèmes spécifiques de manière commune que séparée (voir A. Moravcsik). • un régime politique : forme de gouvernement d’un Etat (voir P. Magnette, S. Hix). L’UE est donc le produit d’une double inspiration utilitariste et idéaliste, internationale et étatique, qui marque sa structure institutionnelle, ses modes de décisions et conditionne les interprétations que l’on peut en donner. Cette situation suscite des conflits d’interprétation très forts, probablement uniques en science politique.

  11. B. L’Union: un régime de policy making L’Union est plus qu’une organisation internationale mais moins qu’un Etat : 1. l’UE n’a pas les attributs symboliques et historiques de la souveraineté (voire) 2. l’UE n’a pas de monopole de l’usage de la force et de la cœrcition  3. quid de la capacité politique, sous l’angle du policy making ? L’Union a acquis au fil du temps une capacité à élaborer et à mettre en oeuvre des politiques qui la rapproche d’un Etat. Le spectre de ses compétences est large, et la force de droit communautaire et l’importance de l’autorité politique de l’Union suffisante pour garantir l’application des normes européennes. Cette capacité est même fortement critiquée. Les débats sur la Constitution ont mis en lumière le décalageentre la capacité de l’Union à réguler, à fabriquer des politiques, et sa capacité à les légitimer. D’où la volonté de « politiser » l’Union.

  12. Emergence depuis 1950 à l’échelle européenne d’un système décisionnel très complexe, qui se distingue de celui des Etats membres. L’Union est comparable à un Etat nation par l’importance de ses attributions, mais pas par le style de policy making. • moins clair, car moins politisé • plus complexe : le but est de parvenir à dégager des solutions acceptables dans 27 Etats, sans disposer d’un « vouloir vivre en commun » suffisant pour exiger l’application d’une logique majoritaire. • moins hiérarchique et moins centralisé : personne n’a le dernier mot. • plus ouvert aux représentants d’intérêts privés et publics. D’autres spécificités : • multiniveaux : poids des élites politico-administratives nationales (et parfois régionales) dans le fonctionnement de l’Union • multinational : entre intergouvernemental et néo-fédéral • imprévisible : le but n’est pas d’appliquer un programme politique • conservatisme : les politiques changent peu ou difficilement • souplesse du schéma institutionnel : les relations entre les institutions sont variables selon le contexte ou la politique

  13. Le PM de l’UE est fonctionnellement efficace, productif mais peu stable et peu lisible. Aucun modèle ne permet d’appréhender l’Union dans son ensemble. S’agissant du policy making, on ne peut distinguer de méthode ou de modèle qu’a posteriori. Il faut distinguer différents types de théories et quatre niveaux de lecture : • Théories de l’intégration • Théories du système politique de l’Union • Théories du policy making dans l’Union • Postures scientifiques pour l’étude de ces différents éléments Autre distinction à introduire : approches normatives et descriptives. Dans le cadre de ce cours, analyse de l’Union sous l’angle des politiques publiques. Recours aux concepts et théories de l’analyse des politiques publiques. La difficulté provient de ce qu’il est difficile d’avoir une vision globale ne serait-ce que d’une politique

  14. C. Une analyse en terme de réseaux de politiques publiques I. L’analyse séquentielle des politiques publiques Charles O. Jones : « cycle de politique publique ». Cinq étapes principales : 1. Mise sur agenda (agenda setting) 2. Formulation : • dans un premier temps, des propositions alternatives sont défendues par des experts auprès des décideurs • dans un second temps, ces derniers choisissent entre ces alternatives et celle consistant à ne rien faire 3. Mise en oeuvre : la politique ou la décision doit être mise en oeuvre par une administration (européenne ou nationale) ou une agence.

  15. 4. Financement : la politique ou la décision doit être financée dans le cadre de l’élaboration du budget annuel. Les étapes 3 et 4 peuvent être inversées. 5. Evaluation : l’impact de la politique ou de la décision est mesuré. Si des objectifs existent, l’efficacité de la politique ou de la décision sont évalués; les effets imprévus ou pervers sont recensés. Cela contribue à alimenter la réflexion sur la mise à l’agenda.

  16. II. Définition des concepts • Communauté de politique publique : (en anglais : policy community) complexe d’organisations connectées les unes aux autres par des phénomènes de dépendances de ressources qui entretiennent des relations étroites et stables, procèdent à des échanges et participent collectivement au policy making dans un secteur donné. Les limites entre les différentes communautés correspondent à des ruptures dans la dépendance aux ressources. • Réseau de politique publique : (en anglais : policy network) conception plus lâche des communautés de politique publique, plus ponctuelle, moins stable, impliquant moins d’empathie et de connivence entre les membres. • Issue network : réseau d’acteurs qui se constitue autour d’un dossier ou d’une politique pour une durée limitée.

  17. III. L’émergence du consensus dans un réseau : les coalitions de cause • Un réseau de politique publique se compose d’acteurs d’origines diverses qui s’efforcent régulièrement d’influencer les décisions politiques prises à l’intérieur d’un secteur particulier. Ces acteurs représentent un large spectre : acteurs d’institutions et d’organes de l’Union et des Etats membres, représentants d’entités infra-étatiques, lobbyistes, experts, représentants de la société civile… Au sein d’un réseau, il existe différent sous-groupes qui embrassent un même système de croyance et organisent une mobilisation commune. • Ces groupes s’inscrivent plus largement dans des « sous-systèmes » de la société, qui incluent également des militants associatifs, des élus, des journalistes, des citoyens, etc. On peut donc allier l’analyse par les réseaux de politique publique à celle par les « coalitions de cause » (Paul Sabatier), pour comprendre comment des majorités peuvent émerger (pas toujours) au sein d’un réseau. • Une coalition parvient à influencer réellement le processus décisionnel (inscription d’une question à l’agenda, choix d’une option lors de la décision ou de la mise en œuvre) lorsque ses représentants dans un réseau de politique publique deviennent majoritaires.

  18. Chaque coalition déploie sa stratégie, en faisant usage de ses ressources (argent, informations, autorités légales, etc.) afin d’influencer le cours de l’action publique. Lorsque le changement a effectivement lieu, il entraîne une remise en question des stratégies et des systèmes de croyances de chaque coalition. Paul Sabatier : «An advocacy coalition consists of actors from a variety of public and private institutions at all levels of government who share a set of basic beliefs (policy goals plus causal and other perceptions) and who seek to manipulate the rules, budgets, and personnel of government institutions in order to achieve these goals over time». Sabatier Paul & Jenkins-Smith Hanks (eds), Policy Change and Learning, An Advocacy Coalition Approach, Westview Press, Boulder, 1993.

  19. Le processus de policy-making est largement affecté par les configurations des coalitions de cause. Celles-ci se déploient dans un environnement qui est soumis à deux catégories de variables externes : • des facteurs relativement constants : la distribution des ressources naturelles, les valeurs culturelles fondamentales, les règles constitutionnelles… • des facteurs variables : des changements qui se produisent dans les conditions socio-économiques, l’opinion publique, les partis politiques dominants ou les productions des autres réseaux (sous-systèmes). La théorie des coalitions de cause insiste néanmoins sur la difficulté de changer de croyances normatives et la tendance qu’ont les acteurs à percevoir le monde à travers une série de filtres composés de croyances préexistantes difficiles à modifier (Sabatier). Celles-ci présentent une structure en triptyque : • des «deep core beliefs» : les représentations fondamentales de ce qui est bien ou mal, désirable ou à rejeter. Elles s’élaborent à partir de raisonnements normatifs très généraux. Elles sont, pour la plupart, socialement et culturellement ancrées et, de facto, presque impossible à modifier. 

  20. des policy core beliefs : les croyances applicables à une politique particulière ou un ensemble de politiques. Il s’agit par exemple de la vision de différentes valeurs, du point de vue sur l’autorité relative des gouvernements et des marchés, de la conception de la gravité d’un problème public, etc. Elles sont également très difficiles à faire évoluer. • des secondary beliefs : ces croyances secondaires portent principalement sur les détails du programme de politique publique. Elles ne nécessitent pas d’accord entre tous les acteurs du sous-système et sont aisément modulables. La théorie des coalitions de cause cherche à expliquer les changements de politique publique à travers le temps. Elle étudie aussi l’impact de l’apprentissage entre coalitions de cause lors du processus de changement. Les grands changements ont lieu principalement dans deux cas : • si les conditions socio-économiques du système dans son ensemble modifient l’équilibre des ressources entre les coalitions

  21. si des coalitions en conflit se mettent d’accord sur les grandes lignes d’un programme de politique publique. Cela requiert la rencontre de plusieurs conditions: • une situation d’impasse intenable • la participation de tous les acteurs concernés • la recherche du consensus • un médiateur de politique publique compétent • l’instauration d’une confiance mutuelle • l’apprentissage entre coalitions Dans l’Union, les représentants de la Commission assurent le plus souvent cette fonction de médiation. Plus largement, la Commission constitue une structure d’opportunité propre à rassembler ces conditions. La théorie des coalitions de cause convient tout particulièrement pour comprendre et gérer les problèmes «retors», c’est à dire ceux qui impliquent des conflits en termes d’objectifs, des controverses techniques et de multiples acteurs issus de différents niveaux de gouvernement. Le modèle des coalitions de cause privilégie une représentation dynamique des relations entre acteurs. Il insiste sur les stratégies et les interactions formelles ou informelles qui se tissent entre les coalitions. Il met aussi en lumière l’importance des idées et des normes lors de la mise en oeuvre d’une politique publique.

  22. II. LA COMMISSION EUROPEENNE La Commission est une institution centrale, qui le reste, pour 5 raisons principales : • Le monopole de l’initiative législative dans le pilier communautaire. • Son rôle de médiation entre les positions des Etats membres dans la négociation. • Son rôle central dans la mise en oeuvre des politiques et ses compétences propres dans certaines politiques essentielles • Son rôle de médiation avec les citoyens • Sa fonction de négociation internationale, notamment pour commerce international.

  23. Il y a un certain rapport entre la complexité des tâches de la Commission, la complexité de la structure institutionnelle de l’UE et la complexité de la Commission elle-même. Ses fonctions requièrent de multiples compétences: • expertise technique dans presque tous les secteurs de politique publique • expertise de l’état de la question dans tous les Etats membres (EM) • capacité à gérer demandes contradictoires des différents EM et des différents secteurs, y compris entre ses Directions générales (DG) Cela créé des difficultés : • problème de surcharge administrative : efficacité et légitimité en cause. • tensions entre la Commission comme gouvernement et la Commission comme organisation • politisation des Commissaires et des principaux postes de la Commission  Il faut souligner 4 problématiques importantes : • la gestion des demandes divergentes • la question démocratique • les effets de la montée en puissance de la Commission • la gestion de ses divisions internes.

  24. La Commission face aux demandes divergentes Tension administratif/politique : tension entre rôle de stabilisation et nécessité d’imprimer un mouvement. Problème fondamental depuis le début. • Préoccupation forte de Monnet, premier président de la Haute Autorité : éviter la bureaucratisation. Spectre des administrations nationales en régime parlementaire. Monnet voulait que la Haute Autorité soit un organe élitiste, composé d’experts du policy making. • Walter Hallstein, 1er président de la Commission, a essayé de donner un style plus politique à la Commission, mais clash avec De Gaulle en 1965. Refus fondamental, entre autres choses, de voir la Commission devenir un « gouvernement européen ». • 1965-1985 : Commission fondamentalement non politique et peu ambitieuse. Mise en oeuvre des traités lorsque les Etats y consentent, passivité pour le reste (politiques problématiques) et aucune initiative pour l’approfondissement ou la réforme institutionnelle. Mais cela n’a pas affecté le policy making courant. Comment ?

  25. Contourne l’opposition des Etat : par l’association d’acteurs non gouvernementaux et de représentants d’intérêts aux débats sur de nouvelles initiatives politiques. Suscite l’émergence d’un réseau transnational de groupes d’intérêts et d’ONG favorables à un développement de la fonction de régulation sociale de la CEE, qui fait pression sur les administrations et gouvernements nationaux pour qu’ils acceptent cette évolution. • Recours au « soft law » : régulation molle. Définition de cadres, recommandations, décisions, pratiques... dans de nouveaux secteurs, qui permettent de structurer les intérêts économiques et sociaux sans avoir à rechercher l’appui ou l’accord explicite des EM en soumettant des propositions au Conseil. Codification a posteriori dans de nombreux secteurs (traités comme « aggiornamento »). « Gouvernance » : système dans lequel on gouverne sans coercition et sans hiérarchie, par la négociation et la persuasion ; système dans lequel la Commission a un rôle central. Par opposition au gouvernement, plus politique, qui repose sur une légitimation intergouvernementale (Conseil) et éventuellement partisane (PE).

  26. 1985-1995 Delors: redémarrage à partir de 1985. Retour du leadership. Ensemble de facteurs : économiques ; politiques (libéralisme) ; globalisation ; effets de la mobilisation des acteurs économiques et sociaux ; capacité de Delors à réveiller la Commission, à reprendre le leadership. • 1995-1999 Santer : option différente. Moins politique, moins ambitieux. Consolidation des politiques et réformes modestes. Eviter les critiques : mais trop tard. • 1999-2004 Prodi : choix d’un ancien Premier ministre d’un des grands Etat signe fort. Mais conflit avec le PE et les médias. Assez maladroit : vision trop politique. • 2004-2009 Barosso : veut déréguler et que la Commission ait un rôle limité. Recours massif à la soft law et à la codification.

  27. Critiques paradoxales : • trop bureaucratique et technocratique : pas assez sensible aux priorités politiques du moment (pacte de stabilité) • trop politique, trop activiste : trop impliquée dans la définition des priorités politiques. Pas si contradictoire que ça. La double fonction de la Commission est par nature problématique : • la Commission doit assurer leadership • la Commission doit assurer fonction de service impartiale. Problématique connue dès l’origine : exacerbation d’une tension qui existe au niveau national, dans toutes les démocraties libérales. Nouvelle tension dans les années 90 : exigence démocratique. Maintenant, triangle de tensions : • exigence d’action et de réforme, mais avec des visions nationales contrastées de ce qu’il faut faire • exigence de bonne administration, fondée sur l’expertise et la stabilité • exigence de redevabilité démocratique (accountability).

  28. Ces trois tensions renvoient aux tensions internes de la Commission : la Commission n’est pas « une » institution, dotée d’un intérêt. Il faut tenir compte des tensions entre les intérêts des différentes DG et services, des commissaires et les contraintes de l’environnement institutionnel. • L’analyse sous l’angle d’une triple pression (politique-intergouvernementale, technocratique et démocratique) permet de comprendre comment « l’intérêt » de l’institution s’élabore et de voir l’institution évoluer.

  29. 2. La Commission face aux exigences démocratiques A l’origine, 3 registres de légitimation : • rationnelle légale • logique d’agence (non majoritarian institution) • efficacité des politiques (outputs) Depuis 1990 : contrôle, surveillance et médiatisation, souvent très suspicieuse, des activités de la Commission. • Critique de ses propositions (directive Bolkenstein sur la libéralisation des services publiques) et mise en cause de la probité, de l’efficacité de la Commission (Santer, Cresson...). • Recherche d’une plus grande légitimité par la « parlementarisation » et la multiplication des formes de contrôle (transparence, subsidiarité, recours, médiateur, PE, pétitions, accès documents, Cour des comptes, OLAF...). La Commission doit composer avec de nombreuses contraintes : • tensions entre profil politique et administratif, • surcharge administrative • surveillance des médias et partis • mise en cause de la légitimité et exigence d’accountability

  30. D’où une stratégie de réforme permanente : • Santer : avant même les problèmes, dès nomination en 1994, réforme. « Faire moins, faire mieux ». • Prodi : réforme pour lutter contre l’affaiblissement. Livre Blanc sur la gouvernance (2000) : plaidoyer pour la Commission et la méthode communautaire ; éviter parlementarisation complète, le démantèlement (agences), le retour de l’intergouvernemental et le démantèlement des politiques. • Barroso : simplifier, déréglementer, alléger la contrainte juridique et réglementaire sur les acteurs économiques.

  31. 2. La problématique de la montée en puissance de la Commission La Commission est l’incarnation d’une institution fonctionnelle : son organisation découle directement de ses pouvoirs et missions. Inversement : ses pouvoirs et missions s’ajustent à ses capacités organisationnelles. • Multiplication du nombre de DG et croissance de leurs divisions internes. • Inflation du nombre de commissaires : 27 pour une dizaine de vrais portefeuilles. La Commission est à la fois trop grande et trop petite : • trop grande par rapport au projet de Monnet d’une agence aux fonctions limitées, efficace • trop grande et trop puissante pour les tenants d’une approche intergouvernementale • trop petite par rapport à ses fonctions et à la taille des administrations nationales Le manque de moyens de la Commission provoque son recentrage sur les politiques de régulation fondamentales, sur la défense des 4 libertés du marché intérieur (capital, biens, services, personnes). Il pose des problèmes pour le développement d’autres politiques, plus « positives », et l’extension de ses compétences : environnement, social, éducation…

  32. La Commission doit aussi faire face à l’émergence d’autres normes et référentiels de gouvernement à côté des 4 libertés : protection de l’environnement ; cohésion économique et sociale ; développement régional. Pour y parvenir, la Commission associe largement les destinataires : • Comité consultatif des autorités locales et régionales devenu Comité des régions pour la politique régionale • Stake holders pour les politiques de l’environnement, de la recherche, du développement, sociale, agricole: comités consultatifs. • La Better regulation strategy systématise le recours à la consultation des destinataires • Les pays candidats pour les aides à la pré-accession et le processus d’adhésion.

  33. Malgré cela, critique de l’extension excessive des pouvoirs de la Commission. Demandes de décentralisation (= renationalisation) ou d’un multiplication des agences exécutives (= démantèlement). La Commission y répond par différentes stratégies : • Politique de self restraint (Barroso) • Décentralisation (fonds structurels) • Externalisation auprès de société privées et ONG (aide au développement, communication…) • Subsidiarité • Comitologie • Agences exécutives • Secrétariat Général du Conseil pour politiques intergouvernementales

  34. 3. Les divisions internes de la Commission La Commission subit les tensions qui existent entre intégration négative et positive, entre la logique de marché et l’exigence de cohésion économique et sociale. Les DG ont des référentiels et objectifs contrastés ; conflits environnement/marché intérieur ; concurrence/politique régionale ; politique industrielle/politique sociale. La Commission n’est pas monolithique : c’est une « multi-organisation » (Sonia Mazey) au sein de laquelle différentes logiques sont poursuivies par différentes parties de l’organisation. Le phénomène a pris dans l’ampleur dans les 1970’s : sectorisation du policy making et constitution de réseaux indépendants, sous l’impulsion du Conseil. Les relations interinstitutionnelles et les contacts avec différents groupes de lobbies divisent la Commission. Désormais, chaque DG a des relations avec « ses » groupes de travail au Conseil, sa formation du Conseil, sa commission au PE, son « secteur » d’intérêts constitués.

  35. La Commission est très ouverte aux groupes d’intérêt : les associe ouvertement au processus législatif. Elle cherche à créer un système de groupes d’intérêt européen équilibré et pluraliste. Pour cela elle finance les groupes (ONG, société civile, consommateurs…). Accent mis sur la consultation des groupes et des entreprises. • exercices de consultation standard : propositions de politique publique pour recueillir leurs commentaires (Internet) • conférences et ateliers de travail qui regroupent les intérêts concernés pour identifier les questions pertinentes et les parties prenantes • rencontres quotidienneset correspondance entre les officiels de la Commission et les lobbyistes permanents et en visite • comités consultatifs spécialisés, permanents et ad hoc. Tous secteurs confondus, une soixantaine de comités consultatifs permanents (1/2 pour la PAC). Constitués des représentants des milieux intéressés, d'experts privés (universités, centres de recherche) ou provenant des administrations nationales. Différents types, grande variété d’intérêts et d’expertises.

  36. Exemples : • CC Sécurité, hygiène et protection de la santé au travail • CC industriel R & D • Groupe d’experts en frais bancaires • Ad hoc : créés pour identifier les parties prenantes dans une question préciser et apprécier la faisabilité d’un changement de politique. Ex. La Conférence sur l’environnement et l’emploi (Commission + PE) ou le Symposium sur l’espace aérien. Depuis 10 ans, attention particulière aux ONG dans le cadre du « dialogue civil » : • Réunions bisannuelles avec services de la Commission et membres de la plateforme des ONG sociales européennes • Rencontres semestrielles entre les OING pan-européennes sur l’environnement (groupe des 8) et DG environnement • Rencontres trimestrielles entre comité de liaison des ONG de développement et Commission La Commission a une stratégie d’institutionnalisation de la présence des groupes. Elle prend notamment la forme de la création de réseaux entre les niveaux méso et macro et de l’établissement de normes, règles, procédures formelles et informelles de conduite, et de structures organisationnelles. Développement de communautés épistémiques : partage de savoirs et valeurs parmi les policy makers, les destinataires, les conseillers, les experts dans un domaine.

  37. La Commission peut être considérée comme une «bourse aux idées» : de multiples acteurs y sont à l’affût d’idées pour élargir leur périmètre d’influence ; de multiples groupes d’intérêts y sont à l’affût d’interlocuteurs pour faire valoir leurs point de vue. La Commission est aussi analysée en référence au modèle du garbage can : acteurs/problèmes/politiques/intérêts qui se cherchent les uns les autres. Les décisions prises sans que l’on sache exactement pourquoi, par le jeu de la rencontre un peu hasardeuse de ces acteurs/problèmes/politiques/intérêts. La Commission doit donc remplir une fonction d’intégration : le processus est complexe et illisible, mais la Commission « traite » les demandes, élabore des propositions législatives sur cette base et prend les mesures d’exécution. Ce rôle se justifie car beaucoup de mesures (y compris les propositions de normes) sont très techniques (standards, paramètres, règles de procédures...). C’est donc le rôle d’une bureaucratie.

  38. Problèmes : • Il est difficile de distinguer la dimension technique de la dimension politique : certaines décisions importantes, d’apparence technique, devraient faire l’objet d’un large débat. • Par ailleurs, risque de routinisation : les politiques publiques deviennent leur propre cause. Elles ne répondent plus à un besoin identifié, mais sont le produit d’un processus continu de construction, de perfectionnement et d’extension des politiques existantes. • Les décisions de la Commission sont faites avant tout d’ajustements marginaux et de la reconduction de solutions légèrement modifiées, et non de changements radicaux. • Influence des groupes d’intérêt et des comités consultatifs : ils contribuent à ce travail d’ajustement, en jouant sur les rivalités entre les institutions et leurs composantes, mais ont un intérêt collectif à ce que les choses ne changent pas. • Conflits entre les DG et faiblesse de la régulation transverse ; risques de blocages. Pas seulement au niveau administratif mais aussi à celui des Commissaires, du fait du développement de leurs cabinets.

  39. Solutions à la sectorisation ? • rôle du SG : coordination pour l’élaboration des propositions. Négocie au nom de la commission dans les relations interinstitutionnelles  • le SG organise des réunions hebdomadaires respectives des DG, chefs de cabinets et chefs de cabinets adjoints. A l’origine, cabinets assuraient un rôle de coordination verticale : maintenant, aussi horizontale. Collégialité : acceptation de l’agenda par tous les Commissaires, soutien aux décisions de la Commission par tous vis-à-vis de l’extérieur • renforcement des pouvoirs du Président. La hiérarchie est ce qui permet aux bureaucraties de fonctionner correctement. Dans la Commission, les Commissaires ne sont pas indépendants comme des ministres dans la gestion de leurs dossiers (chaque commissaire s’intéresse à tous les autres dossiers, ne serait-ce que comme représentant de son Etat) et le Président n’a pas de voix prépondérante, ni de pouvoir d’arbitrage. Mais maintenant le traité de Nice lui reconnaît un rôle dans la définition de la politique générale et dans l’attribution des portefeuilles • Création de « clusters » par Barroso : 5 groupes thématiques de commissaires, qui permettent de mettre de la cohérence. • BRS : participation de différentes DG au travail de réflexion et d’expertise avant communication • Diffusion de nouvelles normes : environnement, cohésion, emploi, genre... Mainstreaming. Obligation de les prendre en compte

  40. II. Le Parlement européen

  41. A. Pouvoirs du PE 1. Droit d'adopter des résolutions déclaratives 2. Pouvoirs de contrôle : censure + autres 3. Rôle dans la nomination de la Commission et d’autres organes 4. Pouvoir législatif 5. Pouvoir budgétaire

  42. 2. Fonctionnement • GROUPES POLITIQUES 1.Groupe du Parti Populaire Européen (Démocrates-Chrétiens) 2.Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen 3.Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe 4.Groupe des Verts/Alliance libre européenne 5.Conservateurs et Réformistes européens 6.Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique 7.Groupe Europe libertés démocratie Non-inscrits

  43. 21/09/2014 44

  44. Les enjeux de la délibération • A l’origine, en 1951, les parlementaires se sont arrogés un droit de délibération, c’est-à-dire la possibilité d'adopter des résolutions déclaratives • En 1957, ce droit a été codifié par le traité CEE • Le « pouvoir de délibération » du PE a souvent été présenté comme une "coquetterie" des députés européens  • Il a pourtant constitué la clé de son influence : elle est née d’une utilisation combinée par les députés de leurs différentes compétences, et plus exactement de détournement de ces compétences de leurs fins. • Aujourd’hui encore, bien que le PE soit présenté comme le colégislateur de l’UE au titre des traités, il n’est pas conçu comme souverain. Son influence dépend de sa capacité à mobiliser ses différents pouvoirs de manière coordonnée, pour les optimiser et en tirer des moyens de veto et de pression, de sa capacité à orchestrer un débat global sur l’action de l’UE.

  45. Le pouvoir politique du Parlement résulte de la combinaison de cinq éléments: • ses pouvoirs formels : législatif, budgétaire, conventionnel, d’investiture et de contrôle, et de délibération ; • les pouvoirs de veto qu’il tire de ces pouvoirs formels, et qui lui permettent d’imposer la prise en compte de ses positions ; • son indépendance, qui lui permet d’élaborer librement un discours ; • sa représentativité, qui lui permet de peser dans le débat interinstitutionnel, de légitimer ses positions les plus audacieuses, voire d’éventuelles violations des traités; • sa capacité à trouver des majorités

  46. Aujourd’hui encore, malgré l’extension continue des pouvoirs du PE et la généralisation de la codécision, il n’a d’influence que s’il agit : le principe du « qui ne dit mot consent » prévaut largement. Donc, si le PE est divisé, il n’a pas d’influence sur le budget ou sur les normes, ne peut contrôler la Commission et ne peut faire entendre sa voix. Les députés sont donc appelés en permanence à définir des statégies en • effectuant des arbitrages entre leurs différentes allégeances, • privilégiant certaines activités, certaines compétences, • choisissant une conception particulière du mandat représentatif et de leurs mandants, • sacrifiant plus ou moins leurs divergences internes à la nécessité de trouver une majorité.

  47. La délibération est au cœur du dispositif, non seulement en tant que processus de décision et que pouvoir, mais aussi en tant qu'enjeu, puisque les députés sont chargés d'en définir librement les modalités. • La délibération n'est donc pas seulement la forme du pouvoir du Parlement, mais sa source et sa condition mêmes. B. Les modalités de la délibération Question de la délibération au PE est donc remarquable : • influence du PE dépend de sa capacité à délibérer et de son activité délibérative • délibération au PE est a priori rendue difficile par un grand nombre de contraintes spécifiques. Elle prend place dans un contexte de contraintes et ressources inédit, peu comparable à celui dans lequel évoluent les parlements nationaux.

  48. Cinq contraintes sur la délibération: • absence de souveraineté  • caractère supranational • hétérogénéité de la représentation européenne  • système politique hybride  • contraintes constitutionnelles 

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