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Une ethnographie du corps infécond à Niamey (Niger) Hadiza MOUSSA (LASDEL-UAM, Niamey)

COLLOQUE INTERNATIONAL INTERDISCIPLINAIRE, DAKAR 13-16 DÉCEMBRE 2010 « Réduction de la mortalité maternelle en Afrique au sud du Sahara : mieux comprendre pur mieux agir ». Une ethnographie du corps infécond à Niamey (Niger) Hadiza MOUSSA (LASDEL-UAM, Niamey).

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Une ethnographie du corps infécond à Niamey (Niger) Hadiza MOUSSA (LASDEL-UAM, Niamey)

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Presentation Transcript


  1. COLLOQUE INTERNATIONAL INTERDISCIPLINAIRE, DAKAR 13-16 DÉCEMBRE 2010« Réduction de la mortalité maternelle en Afrique au sud du Sahara : mieux comprendre pur mieux agir » Une ethnographie du corps infécond à Niamey (Niger) Hadiza MOUSSA (LASDEL-UAM, Niamey)

  2. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 Plan de présentation Introduction • Normes, valeurs et pratiques sexuelles et reproductives • Symbolisme, sémiologie et interprétations émiques de l’infécondité • Prévention, thérapeutique et gestion de la stérilité • Corps stérile : réservoir d’une souffrance morale multidimensionnelle

  3. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 Introduction: Contexte socio-démographique • Taux de fécondité de 7,5 enfants par femme; • Taux d’accroissement démographique parmi les plus élevés au monde : 3,3%; • Près du tiers de la population très jeune: âge compris entre 10 et 24 ans; • 33% des filles font l’expérience de la maternité avant l’âge de 20 ans; • Taux d’utilisation de moyens contraceptifs tourne autour de 11,2% (RGP/H de 2001);5% pour les méthodes modernes et 6,2% pour les méthodes traditionnelles • Taux global de mortalité maternelle (648/100.000), quasi constant depuis 1979; • Taux moyen de stérilité de 3% (EDSN /MICS-III 2006).

  4. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 • Surfécondité occultant une stérilité pourtant non négligeable, « une sexualité inféconde » dont la prise en charge est consacrée par des modes et des usages sociaux;  • mobilisation des modalités pratiques, des discours normatifs, des registres symboliques

  5. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 • Normes, valeurs et pratiques sexuelles et reproductives • Centralité de la sexualité conjugale (dette conjugale, fortement féminisée, diverses stratégies de séduction sexuelle entreprises pour attendrir les époux au détriment des coépouses…) • Discours normatifs dissuasifs produits à l’encontre de ceux qui s’y soustraient  malédiction encourue • Culte de l’enfantement à travers les prescriptions sociales et religieuses;  continuum entre traditions et islam • L’islam, bien inspiré du patriarcat, a défini les attributions reproductives des femmes mariées; « le paradis est sous les talons des mères » (hadith rapporté par Bouhdiba, 2001); • Comme la norme reproductive prêche un destin maternel à chaque femme, il s’ensuit une représentation manichéenne forte entre fécondité et stérilité

  6. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 II. Symbolisme, sémiologie et interprétations émiques de l’infécondité • Symbolisme de la stérilité • corrélation entre la fertilité de la terre et la fécondité de la femme  • L’abondance des récoltes est ainsi intimement liée au statut de la femme-mère • Inversement, chaleur, sècheresse et aridité correspondent à la stérilité (Héritier)

  7. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 • L’infécondité synonyme de mort sociale  • Parce que fécondité vaut postérité, la stérilité est associée à une mort . La naissance favorise la régénération du cycle vital (Gélis, 1984). • A l’inverse, l’idée de mort est associée à une personne stérile. L’image de la femme stérile son renvoie à « un bras mort du corps social» (Laget, 1982 : 35), l’état de stérilité « condamne à une mort sans retour» (Adam, 1994 : 4), synonyme de « néant existentiel » (Erny, 1988 : 21). • Vacuité du corps infécond (un réceptacle qui ne joue pas le rôle qui lui est socialement dévolu) • Absence d’enfant vaut absence de présence sociale

  8. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 • La sorcellerie auto-stérilisante Les personnes sans enfant, souvent perçues comme des sorcières (perceptions répandues au sein des populations ressortissantes de la sous-région ouest africaine) • Equivalence entre stérilité féminine et masculinité Parce que la fécondité est un marqueur de l’identité féminine (les seins, les menstrues et surtout la procréation), les femmes sans enfant, sont souvent considérées comme des hommes

  9. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 2) Sémiologie et interprétations émiques de la stérilité • way-gunu, (femme stérile en zarma) • Alboro kan bu (littéralement un homme mort, se dit d’un homme impuissant) • Kararia, onomatopée haoussa donnant une idée de vide, une déformation du terme arabe « âquera» utilisé aussi pour désigner une femme stérile dans la tradition islamique • Woyboro kan go ga nwa ga maanimargu (littéralement, «  une femme qui ne fait que manger pour empiler de la graisse ») • Ciki ka yi daaji  (en hausa,« ventre servant à la défécation »).

  10. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 2) Sémiologie et interprétations émiques (suite) Dans la quête de sens et l’interrogation étiologique, l’état de stérilité donne lieu à une multitude de systèmes interprétatifs populaires: • L’impuissance masculine • L’aménorrhée absolue • L’incompatibilité des sangs  • La transgression des interdits sexuels  (sexualité préconjugale, sexualité extra-conjugale/pratiques adultérines, sexualité incestueuse)

  11. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 2) Sémiologie et interprétations émiques (suite) • Les pratiques stérilisantes  « occultes » (anthropophagie, mauvais œil, magie noire, alliance avec les génies • Le mythe de l’enfant « endormi »

  12. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 III. Prévention, thérapeutique et gestion de la stérilité Prévention : La hantise de la stérilité impose, en plus des rituels de protection, le respect de certains interdits. Elle est davantage orientée vers les garçons net les hommes: • Ne pas enjamber un pilon ou un mortier ou ne pas s’y asseoir; • Ne pas frapper un garçon avec une spatule de cuisine; • Éviter que le lait maternel coule sur le sexe du bébé garçon • Divers interdits alimentaires (pour se prémunir des avortements spontanés); • Éviter les relations sexuelles en brousse; • Ne pas dormir au clair de lune, etc.

  13. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 Thérapeutique : Une efficacité symbolique où la croyance importe beaucoup • En famille: on s’appuie sur des recettes de grands-mères, généralement ésotériques, peu divulguées • Dans les circuits populaires (les tradipraticiens) Herboristerie, rituels de dépossession, port d’amulettes, consommation d’eau bénite (hantum hari), consommation de foie de brebis, bains curatifs, les prières régulières, etc.

  14. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 III. Gestion sociale de la stérilité Quatre formes de prise en charge de la stérilité: la polygamie, le confiage d’enfants, le divorce et l’adultère • La polygamie: une occasion de déresponsabilisation de l’un des deux conjoints ou même les deux (réactivation des cellules maternantes « ensommeillées » de la femme, la jalousie du « ventre » concepteur avec l’arrivée d’une coépouse) • Le confiage: pratique très répandue permet le rétablissement de l’ordre social initialement perturbé par le « manque d’enfant ». Une circulation d’enfants… à l’intérieur des cercles de parenté et d’alliances diverses (amitié, mariage, etc.)

  15. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 • Confiage (suite): le confiage comme une « réparation » • Le confiage d’enfants se prête comme succédané ou « solution d’attente » à l’absence d’enfants. • Car on est seulement parent d’un dan riko (littéralement, en haoussa, « l’enfant de la garde » ou « l’enfant du prêt »), ou d’un ta ka biiri (littéralement en zarma, « tiens et élève » ou « prends et élève »). Enfant de soi VS enfant de l’autre • « L’adoptant (e) » qui n’a pas un ize-gunde (lit. fils-ventre, en zarma ) ou un dan ciki (lit. fils du ventre, en hausa ) demeure aux yeux de la société partiellement parent ou quasi-parent , « parenté fictive » ou de « parenté artificielle » (Massard, 1988 ).

  16. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 Dans le système du confiage, la coexistence des droits des parents naturels et de ceux des adoptants traduit cette situation. Le confiage d’enfants peut également être le soubassement d’une rationalité économique. Délestage d’enfants pour amoindrir les frais de prise en charge, pour leur assurer une meilleure éducation dans des familles aisées

  17. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 • Le multipartenariat • Instabilité conjugale dans les ménages « inféconds » (nomadisme conjugal à la fois pour les hommes et les femmes); altérité de la femme sans enfant (ostracisme subi) • L’adultère: • l’infidélité aide à tester les aptitudes procréatrices. • L’adultère est soit une entreprise individuelle, soit un mode de gestion souvent socialement organisé; souvent commis avec la complicité de la parentèle. • Cas de légitimation de lévirat « circonstanciel » (Journet, 1991): quand l’infidélité a lieu au sein de la même famille

  18. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 IV. Corps stérile: réservoir d’une souffrance morale multidimensionnelle • La stérilité est à la fois une souffrance corporelle et émotionnelle; miroir d’une identité stigmatisée et blessée; • Femmes sans enfant, en quête continuelle de modèle social valorisant; • Entremêlement du regard d’autrui et de la perception de soi ; • « une dette de vie » qu’on s’acharne à solder avec plus ou moins (ou sans) de succès; • La stérilité occasionne des « interactions faussées » ou des « pathologies de l’interaction » au sens goffmanien.

  19. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 L’amour, le ressassement, la honte, la culpabilité, la solitude, l’anxiété, l’espoir, le désespoir, pour ne citer que ces dispositions psychologiques, ponctuent le quotidien de la plupart des femmes sans enfant La problématique de la gestion de la fécondité féminine comme le support d’un caléidoscope sentimental (Cyrulnik, 2000)

  20. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 Leçons à tirer (hypothèses) d’un parcours thérapeutique : • L’utilisation accrue et abusive des inducteurs de fertilité accroissent les risques de cancer du sein et donc de mortalité féminine. • La multiplication des grossesses gémellaires pour des primipares, souvent « âgées », expose les femmes aux décès • La prématurité des grossesses multiples, facteur de risque de mortalité

  21. Colloque international interdisciplinaire, Dakar 13-16 décembre 2010 Merci de votre aimable attention

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